Décision du 20/08/2020 - Fixant Des conditions particulières de collecte des selles, de realisation des preparations magistrales et hospitalieres et de fabrication des médicaments, y compris experimentaux, a partir de microbiote fecal dans le contexte de l’épidémie de covid-19 (virus SARS-CoV2)

20/08/2020

Le directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM),

Vu le code de la santé publique (CSP) et notamment les articles L. 1121-2, L. 1123-11, L. 5121-1, L. 5121-12, L. 5311-1, L. 5312-1, R. 1123-64 et R. 1123-65 ;

Vu la procédure contradictoire engagée avec les opérateurs concernés par courriers électroniques des 10 et 17 août 2020 ;

Vu les observations formulées par les opérateurs dans le cadre de cette procédure contradictoire les 12 et 18 août 2020 ;

Vu l’avis n° 8 du Conseil scientifique COVID-19 en date du 27 juillet 2020 ;

Considérant que des collectes de selles sont rendues nécessaires pour :

  • d’une part, la réalisation de préparations magistrales, définies au 1° de l’article L. 5121-1 du CSP comme « tout médicament préparé selon une prescription médicale destinée à un malade déterminé en raison de l'absence de spécialité pharmaceutique disponible disposant d'une autorisation de mise sur le marché […], soit extemporanément en pharmacie, soit dans les conditions prévues à l'article L. 5125-1 ou à l'article L. 5126-6  »,
  • d’autre part, la réalisation de préparations hospitalières, définies au 2° de l’article L. 5121-1 du CSP comme « tout médicament, à l'exception des produits de thérapies génique ou cellulaire, préparé selon les indications de la pharmacopée et en conformité avec les bonnes pratiques mentionnées à l'article L. 5121-5, en raison de l'absence de spécialité pharmaceutique disponible ou adaptée […] par une pharmacie à usage intérieur d'un établissement de santé, ou par l'établissement pharmaceutique de cet établissement de santé […] » ;
  • et enfin, la fabrication de médicaments destinés à être dispensés dans le cadre d’autorisation temporaires d’utilisation (ATU), telles que prévues à l’article L. 5121-12 du CSP, ou la fabrication de médicaments expérimentaux destinés à être dispensés dans le cadre d’essais cliniques, tels que prévus au 1° de l’article L. 1121-1 du CSP ;

Considérant que par décisions des 13, 16 et 24 mars 2020, dans le contexte de l’épidémie de COVID-19 et en l’état des connaissances scientifiques à ces dates, le directeur général de l’ANSM a fixé respectivement des conditions de réalisation des essais cliniques de transplantation de microbiote fécal, des conditions particulières de collecte des selles, de réalisation et d’utilisation des préparations magistrales et hospitalière de microbiote fécal, et de dispensation des médicaments fabriqués à partir de microbiote fécal dans le cadre d’autorisation temporaires d’utilisation (ATU), visant notamment à suspendre la collecte des selles ;

Considérant qu’il est précisé, dans l’avis du Conseil scientifique COVID-19 susvisé, que :

  • d’une part, la situation épidémique de la France au regard du SARS-CoV-2 est contrôlée mais fragile, avec une recrudescence de la circulation du virus à l’été 2020 ;
  • d’autre part, il est hautement probable qu’une seconde vague épidémique soit observée à l’automne ou hiver 2020 ;

Considérant qu’il apparaît donc nécessaire de se préparer à une éventuelle seconde vague de l’épidémie en permettant à nouveau la collecte de selles, afin de se prémunir contre une rupture de stock, dans la mesure où les opérateurs font état de ce que les stocks disponibles de préparations magistrales et hospitalières et de médicaments à base de microbiote fécal sont faibles ;

Considérant toutefois que le virus SARS-CoV-2 peut être retrouvé dans les selles, et que la réplication du coronavirus dans le tube digestif est avérée ;

Considérant que les modalités de sécurisation des dons de selles au regard du risque de transmission du virus SARS-COV-2 sont en cours de confirmation ;

Considérant qu’en l’état actuel des connaissances scientifiques, le caractère infectieux du virus détecté dans les selles et le risque de transmission via une transplantation de microbiote fécal ne peuvent être écartés, ce qui constitue un risque pour la santé des patients présentant par ailleurs d’autres affections ;

Considérant qu’il existe un risque pour la santé publique compte tenu de la dangerosité du virus SARS-CoV-2, notamment au regard de la situation clinique des patients concernés dont l’état de santé caractérise une fragilité physique accrue ;

Considérant en conséquence, au regard de l’ensemble de ce qui précède et dans le contexte actuel et anticipé de l’épidémie de Covid-19, qu’il y a lieu de permettre la collecte de selles ainsi que la réalisation des préparations magistrales et hospitalières et la fabrication de médicaments, y compris expérimentaux, à partir de microbiote fécal afin de constituer des stocks, sous réserve d’une sélection préalable des donneurs et des dons de selles selon les modalités déterminées ci-dessous ;

Considérant en outre qu’il y a lieu de permettre la dispensation, aux patients atteints d’une pathologie grave sans alternative appropriée et dont le traitement ne peut pas être différé, des préparations magistrales et hospitalières et des médicaments, y compris expérimentaux, fabriqués à partir de microbiote fécal, dans les conditions définies ci-dessous ;

Décide :

Article 1er La collecte de selles ainsi que la réalisation des préparations magistrales et hospitalières et la fabrication de médicaments, y compris expérimentaux, à partir de microbiote fécal sont autorisées dans les conditions définies ci-dessous.

Article 2 – La sélection des donneurs de selles comporte, en sus de la sélection habituellement prévue :

1° une sélection clinique complémentaire consistant en :

  • un questionnaire spécifique pour l’évaluation du risque SARS-CoV-2 portant sur un éventuel antécédent d’infection documentée ou un éventuel contact avec un patient infecté, probable ou prouvé, dans les 28 jours précédant le don,
  • un examen clinique recherchant des symptômes compatibles avec une infection à SARS-CoV-2 ;

2° une sélection biologique complémentaire comprenant une recherche du génome viral SARS-CoV-2 par amplification génique (RT-qPCR) sur un prélèvement nasopharyngé réalisé au maximum 72 heures avant le premier don.

Article 3 – Une recherche du génome viral SARS-CoV-2 par amplification génique (RT-qPCR) sur un échantillon des selles du donneur ou du transplant lui-même doit avoir été réalisée avant toute transplantation.

La méthode de détection du SARS-CoV-2 dans les selles doit répondre aux exigences suivantes :

  • utilisation d’une technique d’extraction marquée CE-IVD validée pour les selles ou à défaut validée par l’utilisateur,
  • utilisation d’une trousse/kit de détection RT-qPCR marquée CE-IVD permettant :
    • la détection d’au moins 2 gènes de SARS-CoV-2,
    • un contrôle d’extraction/inhibition type bactériophage MS2, étant donné la potentielle l’inhibition de la réaction de PCR sur les matrices selles.

Dans les situations où des campagnes de dons sont mises en place, la recherche du génome viral SARS-CoV-2 dans les selles doit être effectuée non seulement en début et en fin de campagne, mais aussi pendant la campagne a minima toutes les deux semaines.

La trousse/kit de détection marquée CE-IVD doit être validée et contrôlée par l’utilisateur avec la matrice fèces humaines ou une suspension de celles-ci.

Article 4 - Les selles collectées, les préparations magistrales et hospitalières ainsi que les médicaments, y compris expérimentaux, sont placés en quarantaine jusqu’à nouvel ordre, dans l’attente de la confirmation des modalités de sécurisation des dons de selles vis-à-vis du risque SARS-CoV2.

Article 5 - Des échantillons suffisants de sérum et de selles, prélevés en début et fin de collecte, sont conservés pour chaque donneur, dans le cas où les modalités futures de sécurisation des dons prévoiraient des tests supplémentaires.

Article 6 – Par dérogation à l’article 4, les selles, les préparations magistrales et hospitalières ainsi que les médicaments, y compris expérimentaux peuvent être utilisés en vue d’une transplantation, quel que soit leur mode de préparation, dans le respect des conditions cumulatives suivantes :

  • obtention d’un résultat négatif de test RT-qPCR réalisé sur les selles du donneur ou du transplant lui-même, dans les conditions prévues à l’article 3 ;
  • pour le traitement de patients atteints d’une pathologie grave sans alternative appropriée et dont le traitement ne peut pas être différé.

Pour l’application de l’alinéa précédent :

  • pour une recherche impliquant la personne humaine, une demande d’autorisation conformément aux dispositions des articles L. 1123-8 ou L. 1123-9 du CSP est déposée auprès de l’ANSM ;
  • pour une autorisation temporaire d’utilisation, le résultat négatif du test RT-qPCR réalisé sur des selles du donneur ou du transplant lui-même est joint au dossier versé en application de l’article L. 5121-12 du CSP ;
  • pour les préparations magistrales et hospitalières, la pharmacie à usage intérieur ne peut les réaliser qu’au vu du résultat négatif de test RT-qPCR réalisé sur les selles du donneur ou du transplant lui-même.

Article 7  : Les décisions des 13, 16 et 24 mars 2020 susmentionnées sont abrogées.

Article 8  : La directrice des médicaments génériques, homéopathiques, à base de plantes et des préparations ; le directeur des médicaments en oncologie, hématologie, transplantation, néphrologie, thérapie cellulaire, produits sanguins et radiopharmaceutiques ; le directeur adjoint des vaccins, des médicaments anti-infectieux, en hépato-gastroentérologie, en dermatologie, de thérapie génique et des maladies métaboliques rares, et la directrice des politiques d’autorisation et d’innovation sont chargés de l’exécution de la présente décision, qui sera publiée sur le site internet de l’ANSM.

Fait le 20 août 2020

Dominique MARTIN

Directeur général