ANSM : Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé

Madame, Monsieur,

Il y a plusieurs mois, une enquête de pharmacovigilance a permis d’établir une liste de 12 neuroleptiques susceptibles de prolonger l’intervalle QT et d’entraîner des torsades de pointes en clinique. Les neuroleptiques concernés sont les suivants : la chlorpromazine, la cyamémazine, la lévomépromazine, la thioridazine, la trifluopérazine, l’amisulpride, le sulpriride, le sultopride, le tiapride, le dropéridol, l’halopéridol et le pimozide.

Les torsades de pointes sont un trouble du rythme ventriculaire grave, potentiellement mortel, et susceptible de survenir chez tout sujet porteur d’un intervalle QT long congénital ou acquis (notamment à la suite de la prise d’un médicament allongeant l’intervalle QT). L’hypokaliémie et la bradycardie sont des facteurs favorisant leur survenue.

L’association de médicaments pouvant entraîner des torsades de pointes étant en règle générale contre-indiquée, et dans la mesure où d'autres neuroleptiques a priori dépourvus de ce risque cardiaque offraient une alternative, il avait été décidé en octobre 2000 de retenir une contre-indication entre tous les neuroleptiques impliqués dans ce type d’effet indésirable.

Cependant, bien que les RMO conseillent l’utilisation d’un seul neuroleptique, il est apparu non seulement que certaines situations cliniques exceptionnelles nécessitaient l’association de deux neuroleptiques mais encore que la modification d'un traitement antipsychotique pouvait représenter un danger chez certains patients chez qui l'obtention d'un équilibre thérapeutique avait été long et délicat.

Dans ces conditions, le niveau de contrainte d’une association médicamenteuse étant déterminé en fonction du rapport bénéfice / risque de cette association, l'Afssaps a considéré que l'association de deux neuroleptiques pouvant donner des torsades de pointes ne devrait désormais plus faire l'objet d'une contre-indication mais d'une association déconseillée . D'une façon plus générale, l'association d'un neuroleptique pouvant entraîner des torsades de pointes à un autre médicament non neuroleptique ayant le même risque torsadogène passe aussi du niveau de contre-indication à celui d'association déconseillée. Dans tous les cas, un suivi médical strict mérite d’être exercé, incluant des contrôles de l’ionogramme plasmatique et de l’ECG, lorsqu’il est fait recours à de telles associations.

La seule exception parmi les neuroleptiques concerne le sultopride qui reste contre-indiqué avec tous les médicaments donnant des torsades de pointes, à l'exception de quatre anti-infectieux (l'halofantrine, la moxifloxacine, la pentamidine, la sparfloxacine) avec lesquels l’association est déconseillée . L’Afssaps estime en effet qu’il n’existe pas, pour certaines pathologies, d’alternative thérapeutique à ces anti-infectieux, ce qui justifie que leur association aux autres médicaments donnant des torsades de pointes ne fasse pas l’objet d’une contre-indication.

Cette lettre est accompagnée d’un tableau offrant une vision synthétique du niveau de contrainte de l’association d’un neuroleptique donnant des torsades de pointes à d’autres médicaments torsadogènes.

L’Afssaps continue d’exercer une vigilance attentive sur les médicaments donnant des torsades de pointes et sur les interactions médicamenteuses susceptibles d’augmenter ce risque. Je vous rappelle que tout effet indésirable grave ou inattendu doit faire l’objet d’une déclaration auprès de votre Centre Régional de Pharmacovigilance (CRPV).

Je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes salutations distinguées.

Philippe DUNETON

Niveau de contrainte de l’association de deux médicaments donnant des torsades de pointes :