Cher(e) confrère,
Au début des années 90, une centaine de cas de néphropathie interstitielle évoluant rapidement en insuffisance rénale terminale (IRT) a été rapportée en Belgique chez des patients à la suite d’un régime amaigrissant comprenant notamment une préparation à base de 2 plantes chinoises : Stephania tetandra
et Magnolia officinalis
.
L’enquête menée avait permis de conclure à la substitution accidentelle de Stephania tetandra
par une autre plante Aristolochia fangchi
, en raison de noms chinois très voisins.
La toxicité de Aristolochia fangchi
est due à l’acide aristolochique qui est néphrotoxique mais aussi mutagène et carcinogène.
En France, en 1994 et 1995, 2 arrêtés ont ordonné le retrait temporaire des plantes Stephania tetandra
et Aristolochia fangchi
et des produits en contenant, puis le décret n°98-397 du 20 mai 1998 les a définitivement interdites.
Une enquête épidémiologique menée par l’unité 170 de l’INSERM sur la période 1990-1993 n’a pas permis de mettre en évidence une augmentation significative du nombre de cas d’insuffisance rénale terminale sur cette période en France par rapport aux deux années précédentes.
Depuis, les faits nouveaux suivants sont survenus :
- le risque élevé de développer un carcinome urothélial a été mis en évidence chez les patients victimes d’IRT après avoir été exposés à Aristolochia fangchi (J. Nortier et al. Urothelial carcinoma associated with the use of chinese herb (Aristolochia fangchi ). N Eng J Med 2000; 342(23) : 1686-92 );
- en 1999 et 2000, des cas supplémentaires d’atteinte rénale ont été rapportés en Allemagne et au Royaume-Uni suite à la substitution accidentelle d’autres plantes (du genre Akebia, Clematis ou Cocculus) parAristolochia ;
- en juillet 2000, deux nouveaux cas français d’IRT ont été identifiés chez des patients ayant consommé des préparations composées de plantes chinoises, dont Aristolochia fangchi , dans les années 1989-1991.
A ce jour, 7 cas similaires aux cas belges (incluant les 2 nouveaux cas) ont été notifiés en France et correspondent à des prises remontant aux années 1989-1992 . Une des patientes, greffée en 1998, développe depuis mai 2000 un carcinome urothélial avec métastases hépatiques. Un deuxième cas de carcinome urothélial est suspecté. Enfin, une troisième patiente a développé un lymphome sur greffon.
Dans ces conditions, l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé vous recommande, comme à l’ensemble des néphrologues, de bien vouloir :
- mener un interrogatoire détaillé (notion de régime, prise de produits de phytothérapie) chez les patients souffrant d’une atteinte rénale présentant des caractères de similitude avec les néphropathies aux herbes chinoises afin de retrouver d’éventuels autres cas,
- envisager chez ces patients un bilan tumoral adapté, le carcinome urothélial étant de meilleur pronostic lorsque son diagnostic est effectué précocement,
- notifier les éventuels nouveaux cas au centre régional de pharmacovigilance dont vous dépendez .
Nous vous remercions de votre attention et restons à votre disposition pour toute information complémentaire.
Nous vous prions d’agréer, Cher(e) confrère, l’expression de notre considération distinguée.
Philippe DUNETON