Lors de sa réunion mensuelle, qui s’est tenue du 11 au 14 avril 2016 à Londres, le Comité pour l’Evaluation des Risques en matière de Pharmacovigilance (PRAC) de l’Agence européenne des médicaments (EMA) a poursuivi l’évaluation des antiviraux d’action directe de l’hépatite C en intégrant le risque de récurrence de carcinome hépatocellulaire. Il a démarré un arbitrage (article 20) pour canagliflozine et finalisé la procédure des futures auditions publiques de l’EMA.
Antiviraux d’action directe de l’hépatite C : évaluation du risque de réactivation du virus de l’hépatite B pour certains patients co-infectés par les virus B et C et évaluation du risque de récurrence de carcinome hépatocellulaire [daclatasvir (DAKLINZA), dasabuvir (EXVIERA), sofosbuvir/ledipasvir (HARVONI), simeprevir (OLYSIO), sofosbuvir (SOVALDI), ombitasvir/paritaprevir/ritonavir (VIEKIRAX)]
En mars 2016, le PRAC a initié, à l’initiative de la Commission européenne (article 20), une évaluation des données existantes sur le risque de réactivation du virus de l’hépatite B chez certains patients co-infectés par les virus B et C lors d’un traitement du virus de l’hépatite C par antiviraux d’action directe. En effet, il avait été souligné que ce phénomène, bien que connu et pris en compte dans les recommandations thérapeutiques pouvait être accru avec les antiviraux d’action directe, du fait de leur action plus puissante sur le virus C et de l’absence d’impact sur le virus B contrairement à l’interféron.
Ce mois-ci, les résultats d’une étude espagnole récemment publiée[1] ont montré que les patients ayant des antécédents de carcinome hépatocellulaire et traités par antiviraux d’action directe pouvaient être exposés à un risque de récurrence précoce de carcinome hépatocellulaire par rapport à ce qui pourrait être attendu dans une population de patients non traités par ces antiviraux, et ce potentiellement en relation avec les processus immunitaires et inflammatoires secondaires à la décroissance rapide de la charge virale. Sur la base de ces éléments, le PRAC a décidé d’inclure l’évaluation de ce signal dans la revue actuellement en cours sur le risque de réactivation de l’hépatite B.
Les rapporteurs et corapporteurs désignés pour cette évaluation restent le Portugal et l’Espagne. Les premières discussions au PRAC sont prévues en juillet.
Dans l’attente des conclusions de la revue, l’ANSM souligne l’importance de prendre en compte ces signaux en lien avec l’utilisation des antiviraux d’action directe dans le suivi des patients infectés par le virus de l’hépatite C. |
Déclenchement d’une évaluation européenne sur le risque d’amputation du membre inférieur (orteils) observé sous canagliflozine (inhibiteur du co-transporteur sodium –– glucose de type 2 (SGLT2) INVOKANA [et son association à la metformine –VOKANAMET]
La canagliflozine est un inhibiteur du co-transporteur sodium – glucose de type 2 (SGLT2). Elle est indiquée par voie orale, seule ou en association, chez les adultes atteints de diabète de type 2 lorsqu'un régime alimentaire et l'exercice physique seuls ne permettent pas d'obtenir un contrôle glycémique adéquat. Ces spécialités ont été autorisées en Europe depuis 2013 pour Invokana et 2014 pour Vokanamet, cependant elles ne sont pas commercialisées en France.
Le PRAC, à la demande de la Commission européenne, a initié une évaluation européenne du risque d’amputation des membres inférieurs (particulièrement les orteils), en raison d’un taux d’amputation portant sur le membre inférieur, deux fois plus important chez les patients traités par canagliflozine en comparaison aux patients du groupe placebo, dans un essai clinique en cours (essai CANVAS).
L’augmentation du risque était observée quels que soient les facteurs de risque associés d’amputation (diabéte déséquilibré, maladie vasculaire périphérique pré existante, neuropathie ou antécédent d’amputation).
Dans un essai multicentrique (essai CANVAS) chez le patient diabétique de type II à haut risque cardiovasculaire dont l’objectif est d’étudier la morbi-mortalité cardiovasculaire à long terme, il a été mis en évidence un risque d’amputation des orteils environ deux fois plus important dans le groupe des patients traités par canagliflozine en comparaison au groupe placebo. L’incidence des amputations était de 7 pour 1000 patients-années pour canagliflozine 100 mg, 5 pour 1000 patients-années pour canagliflozine 300 mg/j comparé à 3 pour 1000 patients-années dans le groupe placebo. Un patient année est équivalent à 1 patient prenant le médicament pendant un an.
L’étude a inclus environ 4300 patients avec une durée d’exposition d’environ 4,5 ans.
Cette augmentation du nombre d’amputations a également été observée de façon non significative dans un autre essai clinique en cours (essai CANVAS-R) : incidence de 7 pour 1000 patients-année avec la canagliflozine, en comparaison à 5 pour 1000 patients pour le groupe placebo. La population de l’essai est similaire à l’essai CANVAS et les patients ont été suivis pendant environ 0.75 an.
En conséquence, le PRAC a conclu qu’il était nécessaire de déclencher une évaluation européenne sur ce risque et d’alerter les professionnels de santé par une lettre d’information de sécurité.
Les mesures de précaution proposées pour les patients sont les suivantes :
- surveillance clinique des patients qui présentent des facteurs de risque d’amputation (par ex : patients avec antécédents d’amputation ou maladie vasculaire périphérique existante, neuropathie …) ;
- arrêt du traitement chez les patients présentant une complication importante telle que : ulcères cutanés, ostéomyélite ou gangrène ;
- surveillance des patients présentant des signes ou symptômes de déshydratation, en prévention du risque de déplétion volémique.
A ce jour aucun médicament de cette classe n’est commercialisé en France. Toutefois, si des patients sont traités par ces médicaments (dans les régions frontalières notamment), l’ANSM porte à la connaissance des professionnels de santé et des patients le risque potentiel de survenue d’amputations sous traitement par canagliflozine. |
Finalisation de la procédure pour les futures auditions publiques de l’EMA
La possibilité par le PRAC de demander des auditions publiques organisées par l’EMA dans le cadre d’évaluations d’arbitrages européens a été rendue possible grâce à l’entrée en vigueur de la nouvelle législation européenne en matière de pharmacovigilance (Directive européenne).
Dans ce contexte, l’EMA a finalisé et le PRAC adopté ce mois-ci la procédure destinée à l’organisation des auditions publiques à l’EMA. Celle-ci sera mise à disposition en anglais sur le site de l’EMA. Elle sera, par ailleurs, dans les semaines qui suivent traduite dans toutes les langues de l’UE afin de permettre une communication plus facile autour de cette nouvelle possibilité qui s’offrira au public.L’ANSM relaiera cette procédure auprès du public concerné en France, notamment sur son site internet.
L’objectif principal de ces auditions publiques sera d’entendre, sur des sujets sélectionnés, la voix du public sur l’acceptabilité des risques associés à l’utilisation de médicaments et de colliger son avis sur la faisabilité pratique de mesures de réduction de risques en place ou qui pourraient être proposées.
Lire aussi
[1] Reig, M., Marino, Z., Perello, C., Inarrairaegui, M., Ribeiro, A., Lens, S., Diaz, A., Vilana, R., Darnell, A., Varela, M., Sangro, B., Calleja, J.L., Forns, X., Bruix, J., Unexpected early tumor recurrence in patients with hepatitis C virus -related hepatocellular carcinoma undergoing interferon-free therapy: a note of caution, Journal of Hepatology (2016), doi: http://dx.doi.org/10.1016/j.jhep.2016.04.008