L’Afssaps a récemment été informée d’une observation biologique qui a été mise en évidence chez un patient participant à un essai clinique de thérapie génique conduit dans deux hôpitaux en France. Cet essai consiste à traiter des patients atteints de formes sévères de maladies de l’hémoglobine (hémoglobinopathies) par des cellules prélevées chez ces patients, et modifiées génétiquement ex-vivo par un vecteur de type « lentivirus ».
Drépanocytose et β-thalassémie
La drépanocytose et la β-thalassémie sont des maladies génétiques, dues à des mutations du gène codant pour une des chaînes de l’hémoglobine et qui ont pour conséquence d’empêcher les globules rouges d’assurer leur fonction.
Dans le cas de la drépanocytose, le gène muté produit une hémoglobine anormale, à l’origine de la déformation des globules rouges. En s’agrégeant, ils provoquent des crises vaso-occlusives très douloureuses et des destructions tissulaires dans de nombreux organes.
Dans le cas de la β-thalassémie, les différentes mutations du gène conduisent à une production inefficace des globules rouges et/ou à leur destruction. Dans les cas les plus graves, la maladie provoque une anémie profonde, des déformations osseuses, et une augmentation de la rate pouvant nécessiter son ablation.
Dans leur forme sévère, ces deux maladies génétiques sont généralement mortelles dans l’enfance ou chez les jeunes adultes, en l’absence de traitement. Le traitement symptomatique, constitué notamment de transfusions sanguines régulières dans la thalassémie et d’autres mesures symptomatiques dans la drépanocytose, est lourd et doit être suivi tout au long de la vie.
A l’heure actuelle, le seul traitement curatif est la greffe de moelle osseuse provenant d’un donneur compatible. Malheureusement, peu de patients peuvent bénéficier de ce traitement.
La recherche de nouveaux traitements, comme la thérapie génique, est ainsi fondamentale pour l’amélioration de la qualité de vie de ces patients.
La thérapie génique des hémoglobinopathies
En 2005, le promoteur Genetix France a soumis à l’Afssaps une demande d’autorisation d’essai clinique de thérapie génique. Après évaluation par le groupe d’experts sur les recherches biomédicales en thérapie génique, l’Afssaps a autorisé l’essai en décembre 2005.
Cet essai consiste à évaluer la sécurité et l’efficacité d’une stratégie de thérapie génique chez 10 patients. Ceux-ci doivent présenter une forme sévère de drépanocytose ou de β-thalassémie, être âgés de 5 à 35 ans, et ne pas avoir de donneur de moelle compatible.
La stratégie thérapeutique repose sur le transfert de gène ex-vivo. Le gène normal de la protéine déficiente est intégré au moyen d’un vecteur dans les cellules souches issues de la moelle osseuse des patients. Ce transfert de gène a pour objectif de faire exprimer aux globules rouges la protéine normale (la b-globine). Le vecteur utilisé est issu d’un lentivirus modifié dans lequel a été inséré le gène de la b-globine.
Les cellules souches de la moelle osseuse des patients sont prélevées sous anesthésie générale, purifiées, mises en contact avec le vecteur lentiviral pour le transfert de gènes, puis ré-administrées au patient par voie intraveineuse.
Une observation biologique chez un patient traité
Deux patients ont été inclus dans cet essai. Le patient chez lequel la particularité biologique a été observée a été traité par thérapie génique en juin 2007 à l’âge de 19 ans. Ce patient recevait des transfusions, en moyenne une fois par mois, depuis l’âge de trois ans, et a subi une ablation de la rate à l’âge de 6 ans. Ces transfusions étaient nécessaires pour maintenir un taux suffisant d’hémoglobine. Le patient recevait aussi un traitement visant à éliminer l’excès de fer provenant des transfusions.
A ce jour, le patient est en bonne santé, il n’a plus besoin de transfusions depuis plus de 11 mois, et mène une vie normale.
Néanmoins, au cours de son suivi, il est apparu une particularité biologique, qualifiée de dominance clonale relative, qui est en cours d’investigation et qui continue à être surveillée. Cette dominance clonale semble résulter de l’intégration du vecteur dans un gène codant pour la protéine HMGA2, associée à certaines tumeurs bénignes ou malignes. Ce clone est stable depuis cinq mois. Les équipes participant à ce projet assurent une surveillance clinique et biologique très rigoureuse du patient. Des études complémentaires sont en cours afin d’évaluer les conséquences de cette intégration et la capacité du clone dominant à proliférer.
En avril 2009, les équipes impliquées dans ce projet sont venues présenter au groupe d’experts de l’Afssaps, compétent sur les recherches biomédicales portant sur des produits de thérapie génique, les informations dont elles disposaient.
Compte tenu des données exposées, et conformément à l’avis du groupe d’experts, l’Afssaps a demandé au promoteur qu’il s’engage à ne pas inclure de nouveau patient dans l’attente de la soumission en septembre 2009 des résultats des études complémentaires prévues et de leur évaluation par l’Afssaps.
A ce jour, aucune observation de ce type n’a été rapportée à l’Assaps pour les autres essais cliniques menés en France utilisant des vecteurs lentiviraux.