Une réévaluation du rapport bénéfice/risque des médicaments contenant de l’ivabradine a été entreprise par l’Agence européenne des médicaments (EMA) suite à la publication des résultats préliminaires d’une étude montrant une augmentation modérée mais significative du risque combiné de mortalité cardiovasculaire et d’infarctus du myocarde chez les patients présentant un angor symptomatique traités par ivabradine.
Au regard de l’ensemble des données disponibles, l’EMA a conclu que le rapport bénéfice/risque de ces médicaments restait favorable sous réserve du renforcement des précautions d’emploi afin de minimiser les risques cardiovasculaires.
Procoralan (ivabradine) est autorisé en France chez l’adulte dans le traitement de l’angor stable chez des patients avec une intolérance ou une contre-indication aux bêta-bloquants, ou insuffisamment contrôlés par ces derniers, et dans l’insuffisance cardiaque chronique[1] .
En 2014, une réévaluation du rapport bénéfice/risque des spécialités contenant de l’ivabradine (Procoralan) a été entreprise par les autorités européennes. Cette réévaluation fait suite à l’analyse des résultats de l’étude clinique SIGNIFY menée avec Procorolan chez des patients coronariens stables.
Cette étude montre une augmentation modeste mais significative du risque combiné de mortalité cardiovasculaire et d’infarctus du myocarde chez les patients présentant un angor symptomatique traités par Procoralan comparativement aux patients recevant du placebo[2] .
Dans le cadre de la procédure de réévaluation, le comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (PRAC) et le Comité des médicaments à usage humain (CHMP) ont revu l’ensemble des données disponibles afin d’évaluer le risque cardiaque, notamment le risque d’infarctus du myocarde et de bradycardie. Un groupe d’experts a par ailleurs été sollicité.
Au regard de l’ensemble des éléments disponibles, le PRAC et le CHMP ont jugé que le rapport bénéfice/risque restait favorable sous réserve de la mise en œuvre d’un renforcement de la surveillance des patients traités par ivabradine et du respect des recommandations suivantes :
- L’ivabradine, dans son indication dans l’angor stable chronique, est uniquement un traitement symptomatique. Aucun bénéfice sur la prévention de la survenue d’infarctus du myocarde ou la réduction de la mortalité de cause cardiovasculaire ne peut être attendu.
- Dans le traitement symptomatique de l’angor stable chronique, le traitement ne doit être initié que chez les patients avec une fréquence cardiaque supérieure à 70 battements par minute.
- Le traitement doit être arrêté si les symptômes de l’angor ne s’améliorent pas après 3 mois de traitement.
- L’utilisation concomitante de l’ivabradine avec du diltiazem (médicament utilisé dans le traitement préventif des crises d’angor) ou du vérapamil (médicament utilisé dans le traitement de l’hypertension artérielle et dans le traitement de l’angor) est contre-indiquée.
- La consommation de jus de pamplemousse doit être évitée lors d’un traitement par ivabradine.
- La fréquence cardiaque doit être contrôlée avant l’initiation du traitement et lorsqu’une augmentation de la posologie est envisagée. Une série de mesures de la fréquence cardiaque, un électrocardiogramme (ECG) ou un monitoring ambulatoire de l’ECG sur 24h (Holter) doivent ainsi être réalisés.
- Le risque de fibrillation atriale est augmenté chez les patients traités par ivabradine. Une surveillance clinique régulière doit être effectuée et l’arrêt du traitement devra être considéré en cas de survenue de fibrillation atriale.
- Concernant les posologies :La dose d’initiation ne doit pas dépasser 5 mg deux fois par jour.
- Si le patient reste symptomatique après 3 ou 4 semaines de traitement et que la dose initiale est bien tolérée et si la fréquence cardiaque reste supérieure à 60 battements par minute, la posologie peut être augmentée jusqu’à 7,5 mg deux fois par jour.
- La posologie de 7,5 mg deux fois par jour ne doit pas être dépassée.
La fréquence cardiaque doit être surveillée suite à toute augmentation de dose.
Les résumés des caractéristiques des produits et les notices de ces médicaments seront actualisées en fonction de ces éléments.
Dans ce contexte, l’ANSM recommande aux professionnels de santé de suivre dès à présent les recommandations mentionnées ci-dessus et invite les patients déjà traités par ivabradine à ne pas arrêter leur traitement sans l’avis d’un médecin et de prévoir une consultation, sans urgence, avec ce dernier afin qu’il puisse reconsidérer, la poursuite du traitement au regard de ces nouvelles recommandations.
Les résultats de l’étude SIGNIFY confirment ceux de l’étude l’étude BEAUTIFUL (publiés en 2008) qui, toujours chez des coronariens stables, n’avait pas montré de bénéfice de Procoralan sur la mortalité cardiovasculaire. Dans la maladie coronaire, il s’agit donc d’un traitement symptomatique de la douleur angineuse. Chez l’angineux symptomatique le Procoralan est une alternative thérapeutique qui peut être considérée, au même titre que d’autres classes d’antiangineux, en cas de résistance aux béta-bloquants ou chez l’angineux insuffisamment contrôlé, en respectant scrupuleusement les recommandations d’usage.
L’ANSM rappelle enfin que ces médicaments ne doivent pas être utilisés en cas de fibrillation auriculaire, dont le risque de survenue est de plus augmenté par ce traitement.
L’ANSM rappelle que les professionnels de santé doivent déclarer immédiatement tout effet indésirable suspecté d’être dû à un médicament dont ils ont connaissance au centre régional de pharmacovigilance dont ils dépendent géographiquement. Les patients et les associations agréées de patients peuvent également signaler tout effet indésirable à leur centre régional de pharmacovigilance. Pour plus d’information : Déclarer un effet indésirable |
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[1] L’ivabradine est indiquée dans le traitement symptomatique de l’angor stable chronique chez l’adulte coronarien en rythme sinusal avec une fréquence cardiaque supérieure ou égale 70 bpm et présentant une intolérance ou une contre-indication aux bêtabloquants ou en association aux bêtabloquants chez des patients insuffisamment contrôlés par une dose optimale de bêta-bloquants.
L’ivabradine est également indiquée dans le traitement de l’insuffisance cardiaque chronique de classe NYHA II à IV avec dysfonction systolique, chez les patients en rythme sinusal et dont la fréquence cardiaque est supérieure ou égale à 75 bpm, en association au traitement standard comprenant les bêtabloquants ou en cas de contre-indication ou d’intolérance aux bêtabloquants.
[2] Les patients inclus dans cette étude recevaient un traitement par Procoralan jusqu’à 10 mg deux fois par jour, soit une posologie plus élevée que la dose actuellement recommandée (7,5 mg deux fois par jour) par l’Autorisation de mise sur le marché (AMM).