Risques liés aux prothèses de hanche à couple de frottement métal-métal : Recommandations d’utilisation et de suivi des patients - Point d'Information

17/12/2014
Les prothèses de hanche sont des dispositifs médicaux dont le rôle est de remplacer l'articulation naturelle de la hanche lorsque celle-ci ne fonctionne plus correctement, du fait principalement d’une usure (coxarthrose) ou d’une fracture du col fémoral. Les prothèses dites "à couple de frottement métal-métal" sont inscrites au plan de surveillance renforcé des dispositifs médicaux[1] . C’est dans ce cadre que l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a récemment participé à des travaux européens sur ces dispositifs et qu’elle en a initié au niveau national. Au vu des nouveaux résultats qui en sont issus, l’ANSM publie aujourd’hui une mise en garde à l’attention des chirurgiens orthopédistes et de nouvelles recommandations de suivi des patients porteurs de ces implants.

Une prothèse totale de hanche (PTH) se compose de trois parties, une partie qui vient s'insérer dans le fémur, une partie qui se fixe sur le bassin, appelée cotyle, et une partie qui fait la jonction appelée tête fémorale. Le couple de frottement d’une PTH est défini par l’ensemble de la tête fémorale et du cotyle. Il existe différents couples de frottement.[2]

En France en 2013, environ 140 000 PTH de première intention ont été implantées dont 3000 (2%) sont de type "à couple de frottement métal-métal"[3] . Il existe trois catégories de prothèses de hanche à couple de frottement métal-métal : celles à tête fémorale de petit diamètre (<36mm), à tête fémorale de grand diamètre (≥36mm) et les prothèses dites de "resurfaçage"[4] .

Le dysfonctionnement ou la rupture de l’implant peuvent être à l’origine d’une consultation voire d’une réintervention chirurgicale appelée "révision". Le taux de révision chez les patients porteurs de prothèses de hanche à couple de frottement métal-métal est ainsi supérieur aux autres couples de frottement, cette tendance étant plus marquée pour les implants de grand diamètre.

Contexte de l’évaluation des risques

En mars 2012, la revue Lancet a publié une analyse des résultats d’une étude observationnelle[5]  réalisée entre 2003 et 2011 montrant des taux de révision très supérieurs chez les patients porteurs des prothèses métal-métal notamment par rapport au couple céramique-céramique. Suite à cet article, la Commission européenne a mis en place une action coordonnée à l'échelle européenne sur le sujet pour faire un constat des bénéfices et des risques de chacune des catégories des PTH à couple de frottement métal-métal et pour évaluer plus avant les effets à moyen et long termes, locaux et systémiques, liés à ces dispositifs.

Les récents résultats d’évaluation européens ont été présentés à la Commission de suivi du rapport bénéfice/risque des produits de santé au cours de sa séance du 1er juillet 2014. Suite à cette séance, un rapport de la Société Française de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique (SOFCOT) a été présenté à la Commission suivante du 14 octobre 2014. Celle-ci a alors émis des avis concernant le devenir des produits et les recommandations de suivi proposées par la SOFCOT. Par ailleurs, les investigations sur l’éventuelle toxicité liée à ces dispositifs médicaux seront poursuivies dans le cadre d’un groupe de travail pluridisciplinaire.

Recommandations de l’ANSM pour l’utilisation des PTH et le suivi des patients : les points clés

L’ANSM attire l’attention des chirurgiens orthopédistes quant à l’utilisation de ces produits.

Les recommandations de l’ANSM sont les suivantes :

  • Pour toutes les catégories de prothèses de hanche à couple de frottement métal-métal  : ne pas les utiliser chez les femmes en âge de procréer et chez les patients allergiques à des métaux.
  • Pour les prothèses de resurfaçage ,pour éviter toute perte de chance à une catégorie de patients (homme jeune, avec une activité physique très intense, au ratio tête/col adapté, et un diamètre de tête fémorale ≥ 48 mm), il est recommandé de restreindre l'utilisation de ces prothèses à ces indications très ciblées. Il  existe en effet un intérêt fonctionnel pour ce type de prothèses dans ces quelques rares situations cliniques très précises. De plus cette chirurgie doit être réservée à quelques chirurgiens maîtrisant la technique opératoire spécifique à cet implant ainsi que le parfait positionnement de celui-ci.
     L’ANSM recommande de se référer aux indications de pose ainsi qu’aux conditions d’encadrement mises en place par la HAS (http://www.has-sante.fr )
  • Pour les têtes fémorales de petit diamètre (<36mm) à faible teneur en carbone [6]  et les têtes fémorales de grand diamètre (≥ 36mm) , on constate qu’à ce jour il n’existe plus aucun produit de ce type sur le marché français. Néanmoins, il convient de noter une balance bénéfice /risque négative de ces produits qui conduirait à ne pas recommander leur utilisation.
  • Pour les têtes fémorales de petit diamètre (<36mm) à haute teneur en carbone [7] , ces prothèses sont équivalentes aux alternatives non métalliques ; elles peuvent continuer à être utilisées dans les indications et en fonction des modalités recommandées par la HAS.

Par ailleurs, l’ANSM en partenariat avec la SOFCOT et la société française de chirurgie de la hanche et du genou (SFHG), a mis à jour les modalités de suivi des patients implantés publiées par l’agence en mars 2012.

Ces recommandations seront susceptibles d’évoluer en fonction des résultats des travaux qui seront mis en place dans le cadre de la problématique globale des implants métalliques.

Lire aussi 

[1]  Elles ont été inscrites au plan de surveillance renforcé parmi les 5 catégories de dispositifs médicaux retenus (implants mammaires, prothèses totales de hanche à couple de frottement métal-métal, prothèses totales de genou,  sondes de défibrillation cardiaque, valves cardiaques endo-vasculaire et trans-apicale) que l’ANSM a mis en place lors de sa création en mai 2012.
[2]  Les couples de frottement comportant un composant acétabulaire en polyéthylène associé à une tête fémorale en métal ou en céramique sont appelés couple de frottement « dur-mou » et ceux comportant soit un cotyle en céramique avec une tête en céramique soit un cotyle en métal couplé à une tête en métal, appelés couple de frottement « dur-dur ».
[3]  Données du Programme de médicalisation des systèmes d'information  (PMSI ).
[4]  Les prothèses de hanche de resurfaçage diffèrent des PTH par l’absence de la tige fémorale. En effet, elles sont composées d’un cotyle placé au niveau du bassin et d’une cupule fémorale qui vient recouvrir la tête fémorale du patient qui est conservée.
[5]  Failure rates of stemmed metal-on-metal hip replacements : analysis of date from the National Joint Registry of England and Wales, Alison J Smith, Paul Dieppe, Kelly Vernon, Maryn Porter, Ashley W Blom, on belahf of the National Joint Registry of England ans Wales.
[6]  Selon le Scenihr des têtes fémorales de petit diamètre à faible teneur en carbone sont fabriquées dans un alliage comportant autour de 0,05% de carbone.
[7]  Selon le Scenihr des têtes fémorales de petit diamètre à haute teneur en carbone sont fabriquées dans un alliage comportant autour de 0,20% de carbone.