Lors de sa réunion mensuelle qui s’est tenue du 3 au 6 mars 2014, le Comité pour l’Evaluation des Risques en matière de Pharmacovigilance (PRAC) a recommandé le maintien des autorisations de mise sur le marché (AMM) des médicaments contenant de la diacéréine et des médicaments contenant de la dompéridone en ajoutant dans les deux cas des mesures de minimisation des risques. De telles mesures ont également été recommandées pour les médicaments à base de zolpidem.
Médicaments contenant de la diacéréine (ART 50 et génériques)
La diacéréine est commercialisée en France sous le nom d’Art 50® et de Zondar® et est autorisée depuis 1992 dans le traitement symptomatique à effet différé de l’arthrose de la hanche et du genou.
Sur demande de la France, le PRAC avait initié en novembre 2012 une réévaluation du rapport bénéfice/risque des médicaments contenant de la diacéréine, suite à l’évaluation de données concernant des troubles gastro-intestinaux et hépatiques. L’Espagne et la France avaient alors été nommés rapporteurs pour cette procédure de réévaluation.
Après présentation des résultats de l’évaluation, les membres du PRAC avaient partagé l’analyse de la France et avaient jugé le rapport bénéfice/risque défavorable dans l’indication précitée lors de la réunion du mois de novembre 2013.
Dans ce contexte, et du fait que ces produits relèvent tous de procédures d’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) nationales, la recommandation du PRAC en faveur d’une suspension de l’AMM aurait du être transmise au CMD(h) de décembre 2013. Toutefois, deux des laboratoires (TRB Chemedica et Negma) titulaires d’AMM pour ces médicaments ont souhaité faire appel de la recommandation du PRAC et ont demandé un nouvel examen des données. Le Portugal et l’Autriche ont été nommés rapporteurs de cette nouvelle procédure.
A l’issue de l’évaluation des réponses apportées par les laboratoires dans le contexte de ré-examen, le PRAC a finalement voté majoritairement en faveur d’une recommandation pour le maintien des AMM des médicaments à base de diacéréine. Toutefois 11 pays, dont la France, ont voté contre le maintien de ces AMM.
Bien que l’efficacité reconnue par le PRAC reste modeste, ce changement de recommandation est sous tendu par l’adoption par le PRAC de plusieurs mesures permettant de minimiser les risques identifiés, notamment une réduction de la posologie en début de traitement, une contre-indication chez les patients avec des antécédents de pathologie hépatique, une forte recommandation d’arrêt de traitement en cas de survenue de diarrhée et une restriction de l’utilisation de chez les patients de plus de 65 ans.
Concernant les risques de diarrhée et d’atteintes hépatiques, le Résumé des Caractéristiques du Produit est renforcé, notamment au niveau des contre-indications et mises en garde et précautions d’emploi.
Enfin, le PRAC juge que la prescription des médicaments à base de diacéréine devrait être restreinte aux spécialistes expérimentés dans le traitement de l’arthrose.
Il appartient désormais au CMD(h) d’adopter une position finale lors de sa réunion de mars 2014. En l’absence de consensus des Etats membres au CMD(h) sur la conduite à tenir pour les AMM des médicaments contenant de la diacéréine, la position de la majorité des membres sera transmise à la Commission européenne qui aura 67 jours pour rendre une décision sur la base de cet avis.
Dans l’attente de la décision finale, l’ANSM rappelle ses recommandations suite à la session du PRAC de novembre 2013 :
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Médicaments contenant de la dompéridone (MOTILIUM, PERIDYS et génériques)
La dompéridone est une substance appartenant à la famille des antagonistes des récepteurs de la
dopamine. Elle agit comme stimulant de la motricité gastrique. Depuis 1980, les médicaments contenant de la dompéridone sont autorisés dans le soulagement des nausées et vomissements, sensations de distension épigastrique, gène au niveau supérieur de l’abdomen et régurgitations gastriques. Ces médicaments sont disponibles uniquement sur prescription médicale en France.
En mars 2013, le PRAC a initié, à la demande de la Belgique, une réévaluation du rapport
bénéfice/risque des médicaments à base de dompéridone en raison de son profil de sécurité
cardio-vasculaire. En effet, la dompéridone présente un risque d’effets indésirables cardiaques, notamment en lien avec un allongement de l’intervalle QT. En dépit de modifications du Résumé des Caractéristiques du Produit concernant ce risque, notamment à la suite des discussions du groupe européen de pharmacovigilance de 2011, des cas d’effets indésirables cardiaques ont continué à être rapportés. Dans le cadre de cette réévaluation européenne, la France et la Belgique ont été respectivement désignées rapporteur et co-rapporteur.
En mars 2014, au vu des données analysées, le PRAC confirme l’existence d’un risque cardiaque, notamment plus élevé chez les patients de plus de 60 ans, les patients traités par des doses journalières de plus de 30 mg ou les patients traités de façon concomitante par des médicaments pouvant eux-mêmes induire des effets cardiaques.
Bien que les données d’efficacité soient limitées, le bénéfice repose, pour une large part, sur une longue expérience clinique de plus de 30 ans.
Le PRAC conclut que la balance des bénéfices et des risques reste favorable chez l’enfant et chez l’adulte sous réserve de restreindre l’indication au traitement symptomatique des nausées et vomissements, de limiter la dose et la durée du traitement à une semaine. De plus, l’introduction de nouvelles contre-indications, concernant les situations à risque cardiaque, contribue à minimiser ce risque.
Concernant la posologie, le PRAC recommande :
pour les formes orales :
- adultes et adolescents de 35 kg ou plus : 10 mg par prise jusqu’à 3 fois par jour,
- enfants ou adolescents de moins de 35 kg : 0,25 mg/kg par prise jusqu’à 3 fois par jour.
pour les formes suppositoires (non disponibles en France) :
- adultes et adolescents de 35 kg ou plus : 30 mg 2 fois par jour
De plus, les formes orales les plus fortement dosées (20 mg) seront retirées du marché européen ainsi que les suppositoires pédiatriques (à 10 mg) et adultes (à 60 mg).
Le PRAC préconise la réalisation d’une étude d’efficacité chez l’enfant selon ces nouvelles recommandations (restriction d’indication, de posologie et de durée de traitement).
Il est à noter que la proposition de la France, à savoir une contre-indication des médicaments à base de dompéridone chez l’enfant en raison des données d’efficacité très limitées et d’un risque ne pouvant être exclu dans cette population, n’a pas été retenue.
Les produits à base de dompéridone étant tous autorisés au niveau national, la position finale sera adoptée au CMD(h) lors de sa réunion d’avril 2014. En l’absence de consensus au CMD(h), la position de la majorité des membres sera transmise à la Commission européenne qui rendra sa décision sur la base de cet avis.
Dans l’attente de la décision finale sur cet arbitrage, l’ANSM recommande d’ores et déjà de prendre en compte ces restrictions d’utilisation en termes d’indication, de posologie et de durée de traitement. Il est conseillé d’utiliser ce médicament à la dose minimale efficace pour la durée la plus courte possible. L’ANSM rappelle que la dompéridone est déjà connue pour entraîner des troubles cardiaques incluant des effets en lien avec un allongement de l’intervalle QT et qu’il est donc important de l’utiliser avec précaution chez les patients présentant des facteurs de risque cardiaque.
Médicaments à base de zolpidem (STILNOX et génériques)
Le PRAC a initié en juillet 2013 une procédure de réévaluation du rapport bénéfice/risque des médicaments à base de zolpidem en raison d’effets indésirables rapportés tels que des accidents de la circulation ou des états de somnambulisme. Ces médicaments sont des somnifères apparentés à la classe des benzodiazépines. Comme tous les somnifères, ils font courir le risque d’une diminution de la vigilance au réveil et, de ce fait, de possibles accidents dont des accidents de la circulation. En France, les médicaments à base de zolpidem (Stilnox et génériques) sont indiqués dans le traitement des troubles sévères du sommeil en cas d’insomnie occasionnelle ou transitoire. Le risque de diminution de la vigilance et une mise en garde en cas de conduite de véhicules sont inscrits dans le Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP).
Afin de réaliser une revue plus détaillée du profil de sécurité du zolpidem et de statuer sur son efficacité à plus faible dose, une procédure de réévaluation de son rapport bénéfice-risque a été initiée. Les Pays-Bas et l’Italie étaient en charge de cette évaluation. Le dossier a fait l’objet d’une précédente discussion au PRAC de décembre 2013 et était discuté pour finalisation de la recommandation au PRAC de mars.
Le risque d’accident de la circulation et de somnambulisme est avéré. La prise en compte des données de pharmacocinétique est en faveur d’une augmentation de la concentration sanguine chez la femme, la personne âgée et l’insuffisant hépatique. Une réduction de la posologie chez la personne âgée et l’insuffisant hépatique est déjà mentionnée dans le RCP avec une posologie recommandée de 5 mg. Cependant, l’analyse des cas ne met pas en évidence de différence de risque entre les hommes et les femmes. De plus, les données disponibles ne permettent pas de confirmer l’efficacité de la dose de 5 mg dans la population générale.
Par conséquent, il n’a pas été possible de recommander une posologie à 5 mg. Néanmoins, des mesures de minimisation de risque ont été adoptées par le biais de modifications du RCP avec notamment l’ajout des mentions suivantes :
- la dose la plus faible possible doit être utilisée et elle ne doit pas excéder 10 mg/jour,
- la dose doit être prise en une seule fois,
- le médicament ne doit pas être réadministré au cours de la nuit,
- le médicament doit être pris au moment du coucher avec un intervalle de 7 à 8 heures avant la conduite de véhicules.
Ces produits étant tous autorisés au niveau national, c’est le CMD(h) qui adoptera une position finale lors de sa réunion d’avril 2014. En l’absence de consensus au CMD(h), la position de la majorité des membres sera transmise à la Commission européenne qui aura 67 jours pour rendre une décision sur la base de cet avis.
L’ANSM rappelle que les somnifères dont le Stilnox doivent être utilisés pendant la durée la plus brève possible et à la plus faible dose efficace. Une durée de 7 à 8 heures doit être respectée avant de reprendre une activité qui nécessite de la vigilance et ces médicaments ne doivent pas être utilisés pour traiter les réveils de milieu de nuit. |
Médicaments utilisés dans le double blocage du système rénine-angiotensine (inhibiteurs de l’enzyme de conversion/antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II/aliskiren) : réévaluation du rapport bénéfice/risque
Cette réévaluation initiée par l’Italie en mai 2013 fait suite à la publication d’une méta-analyse[1] sur le double blocage du système rénine-angiotensine montrant que le double blocage augmente le risque d’hyperkaliémie, d’hypotension et d’insuffisance rénale. Ces effets indésirables surviennent alors même qu’il n’y a pas d’efficacité en termes de réduction de la mortalité toutes causes confondues ou de la mortalité cardiovasculaire même si l’on retrouve une diminution du nombre d’hospitalisations pour défaillance cardiaque.
La revue des données a pour objectif d’analyser les bénéfices et les risques du double blocage (inhibiteurs de l’enzyme de conversion/antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II/aliskiren) et s’attache particulièrement à une analyse chez les populations à risque, telles que les diabétiques ou les insuffisants rénaux. L’Italie est en charge de la réévaluation avec plusieurs autres Etats membres.
Le dossier a été présenté pour la première fois au PRAC de novembre.
Au PRAC de mars, les conclusions des discussions s’orientent vers une utilisation déconseillée du double blocage chez tous les patients, et dans les situations exceptionnelles où le double blocage doit être réalisé, il serait nécessaire de renforcer la surveillance biologique (kaliémie et créatininémie) et clinique (tension artérielle). La contre-indication de l’utilisation concomitante de l’aliskiren avec un inhibiteur de l’enzyme de conversion ou un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II en cas d’insuffisance rénale ou de diabète est maintenue.
La recommandation finale du PRAC sur cet arbitrage est attendue pour avril 2014.
Dans l’attente de la décision finale sur cet arbitrage, l’ANSM recommande d’ores et déjà de prendre en compte ces nouvelles recommandations de précaution d’emploi pour les traitements par le double blocage avec les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II et l’aliskiren.
Bromocriptine dans l’inhibition de la lactation[2]
La bromocriptine est indiquée dans l’inhibition de la lactation pour raison médicale dans le post-partum immédiat ou tardif. En France, deux spécialités (PARLODEL, inhibition de la lactation et BROMOCRIPTINE ZENTIVA, inhibition de la lactation) dosées à 2,5 mg sont commercialisées dans cette indication. A la suite de la réévaluation de la bromocriptine dans cette indication au niveau national[3] , l’ANSM a souhaité porter cette question au niveau européen en raison des effets indésirables rares mais parfois graves au niveau cardiovasculaire, neurovasculaire ou psychiatrique et dans une indication où il s’agit de mettre un terme à un mécanisme physiologique.
Ce dossier sera évalué par les Pays-Bas et la France et devrait être présenté pour la première fois au cours de la réunion du PRAC de mars 2014.
Cependant, dans l’attente de données complémentaires de la part d’un laboratoire, la discussion est décalée au PRAC de juin.
Dans l'attente des conclusions de la réévaluation européenne du rapport bénéfice/risque de ces médicaments dans l’inhibition de la lactation, les prescripteurs souhaitant initier un traitement par la bromocriptine pour inhiber la lactation doivent être particulièrement attentifs aux facteurs de risque cardiovasculaire, neurologique et psychiatrique de la patiente et au respect de la posologie.
Lire aussi
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[1]
Makani H, Bangalore D, Desouza KA, Shah A, Messeril FH. Efficacy and safety of dual blockade of the renin-angiotensin system : meta-analysis of randomized trials. BMJ. 2013 Janv 28;346:f360. dol: 10.1136/bmj.f360.
[2]
Les indications dans l’hyperprolactinémie ou dans la maladie de Parkinson ne sont pas concernées
[3]
Voir compte-rendu de la commission de suivi du bénéfice/risque du 30 avril 2013