L'Agence Européenne du médicament (EMEA) vient de finaliser l'évaluation des données disponibles sur les antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS) ainsi que d'autres antidépresseurs apparentés¹ ,chez l'enfant et l'adolescent. Cette évaluation fait suite à l'identification d'un risque de comportement suicidaire lors d'études cliniques. Les conclusions de l'évaluation européenne indiquent que ces antidépresseurs sont déconseillés chez l'enfant et l'adolescent pour traiter les troubles dépressifs. Toutefois, ils peuvent être exceptionnellement prescrits dans certaines situations cliniques nécessitant un traitement médicamenteux. Les résumés des caractéristiques de produits ainsi que les notices destinées aux patients seront modifiés pour intégrer cette information.L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) rappelle qu'elle a diffusé dès décembre 2004 des recommandations similaires . A la demande de Philippe Douste-Blazy, Ministre des Solidarités, de la Santé et de la Famille et dans le cadre du plan de santé mentale, l'Afssaps a poursuivi sa réflexion. Ainsi, une mise au point sur l'utilisation des antidépresseurs chez l'enfant et l'adolescent est en cours d'élaboration et sera diffusée avant la rentrée 2005. Dès à présent, l'Afssaps diffuse des conseils aux patients et à leur famille sur l'utilisation des antidépresseurs chez l'enfant et l'adolescent.Par ailleurs, l'Afssaps met à la disposition des professionnels de santé une autre mise au point sur le bon usage de cette classe médicamenteuse au cours des troubles dépressifs chez l'adulte (17/04/2005) (177 ko) . Ce document s'accompagne d'une information destinée au grand public intitulée " Vous et votre traitement par antidépresseur au cours d'un épisode dépressif (25/04/2005) (83 ko) ".
Utilisation d'antidépresseurs chez l'enfant et l'adolescent
L'Agence Européenne du médicament (EMEA) rappelle que si les antidépresseurs IRS et apparentés sont autorisés chez l'adulte dans le traitement de la dépression et des troubles anxieux, ils ne sont cependant pas autorisés chez l'enfant et l'adolescent, excepté pour le traitement des troubles obsessionnels compulsifs (TOC) ou du trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité (TDAH) pour certains d'entre eux² . Le risque de comportement suicidaire (idées suicidaires, tentatives de suicide) et de comportement hostile (agressivité, comportement d'opposition, colère), mis en évidence chez des enfants et adolescents traités par IRS au cours d'essais cliniques, conduit l'EMEA à conclure que :
- les antidépresseurs IRS et apparentés sont déconseillés chez l'enfant et l'adolescent dans les troubles dépressifs. Ils sont également déconseillés dans les troubles anxieux excepté dans les indications autorisées ;
- dans certains cas, un médecin peut estimer nécessaire de prescrire un antidépresseur chez un enfant ou un adolescent sur la base du besoin clinique individuel. La prescription doit alors s'accompagner d'une surveillance étroite du patient et de la recherche d'un comportement suicidaire, particulièrement en début de traitement ;
- l'arrêt de la prise d'un antidépresseur ne doit pas se faire à l'initiative du patient ou de sa famille sans accompagnement du médecin ;-l'arrêt doit être progressif (sur plusieurs semaines ou mois) afin de diminuer le risque de survenue d'un syndrome de sevrage, pouvant se manifester par des symptômes tels que irritabilité, anxiété, vertiges, troubles du sommeil ;
- pour toute question relative au traitement par antidépresseur, il est conseillé aux patients ou à leur famille de consulter leur médecin.
De plus, l'Afssaps rappelle que :
- le traitement de première intention de la dépression de l'enfant et de l'adolescent est une prise en charge psychothérapeutique, et que la prescription d'antidépresseurs, si elle est envisagée, ne doit intervenir qu'en seconde intention, dans le cadre d'une dépression majeure, avec une prise en compte de l'ensemble des bénéfices attendus et des risques ;
- les autres antidépresseurs - en particulier les tricycliques - n'ont pas démontré leur efficacité dans l'indication dépression chez l'enfant et l'adolescent.
L'Afssaps a été saisie d'une demande du Ministre des solidarités, de la santé et de la famille, en décembre 2004, concernant l'utilisation des antidépresseurs chez les moins de 18 ans. Un groupe d'experts, mis en place en mars 2005, a été chargé d'évaluer les modalités actuelles de recours à ces médicaments et d'étudier la faisabilité d'une restriction des conditions de prescription.
En première estimation, il ressort qu'environ 40 000 enfants et adolescents sont traités chaque année par ces médicaments, pour dépression. Il semble, cependant, que les traitements soient souvent de courte durée, ainsi que le montre une étude réalisée par la Caisse Nationale d'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS) d'Alsace, où 76% des demandes de remboursement ne correspondent qu'à une seule délivrance. L'utilisation des IRS représenterait en moyenne les trois quarts des prescriptions d'antidépresseurs chez les moins de 18 ans.
Les experts relèvent que l'utilisation actuelle des antidépresseurs pour traiter la dépression chez l'enfant et l'adolescent n'est pas systématique et qu'elle ne se substitue pas à la psychothérapie, qui représente la prise en charge de première intention.
Ils estiment que des mesures visant à restreindre la prescription à certaines catégories de médecins, tendraient à compliquer la prise en charge de ces jeunes patients, déjà rendue difficile par les difficultés d'accéder rapidement à une consultation spécialisée de pédopsychiatrie. En outre, de telles mesures pourraient favoriser un glissement vers des classes thérapeutiques inadaptées et aggraver un climat anxiogène déjà perceptible au sein des familles concernées.
Face à ce constat, l'Afssaps a pris les dispositions nécessaires pour renforcer :
- les outils de suivi de la prescription, en particulier par la mise en place d'une surveillance pharmaco-épidémiologique des antidépresseurs, en partenariat avec la CNAM,
- les actions d'information à destination des professionnels de santé et du grand public, par la diffusion, avant la rentrée 2005, d'une mise au point sur l'utilisation des antidépresseurs chez l'enfant à destination des professionnels de santé, et de conseils aux patients et à leur entourage, complémentaire à l'information déjà rendue disponible.
Utilisation d'antidépresseurs chez l'adulte
Les antidépresseurs sont indiqués dans le traitement du trouble dépressif ainsi que certains troubles anxieux, les troubles obsessionnels compulsifs, certains types de douleurs...
Leur usage ne doit pas pour autant se banaliser. La décision de prescrire un antidépresseur doit respecter des modalités très spécifiques en termes de mise en route, de suivi et d'arrêt du traitement. L'évaluation du risque suicidaire doit être systématique avant toute prise en charge d'un épisode dépressif. Il est important de bien informer les patients pour les aider à comprendre leurs troubles et leur traitement.
Dans cette optique, l'Afssaps a élaboré une mise au point (17/04/2005) (177 ko) destinée aux professionnels de santé. Celle-ci est accompagnée d'un document d'information à l'attention du grand public (25/04/2005) (83 ko) destinée à donner aux patients quelques conseils pratiques (ce qu'il faut faire et ce qu'il ne faut pas faire), afin d'optimiser l'efficacité et la tolérance de leur traitement.
1 Il s'agit de 13 antidépresseurs dont deux ne sont pas autorisés en France (atomoxétine, et reboxétine). Les chefs de file des 11 autres sont Floxyfral® (fluvoxamine), Prozac® (fluoxétine), Seropram® (citalopram), Deroxat® (paroxétine), Effexor® (venlafaxine), Ixel® (milnacipran), Zoloft® (sertraline), Norset® (mirtazapine), Seroplex® (escitalopram), Athymil® (miansérine), Cymbalta® Yentreve® Duloxetine Lilly® (duloxétine).
2 En France, Zoloft® (sertraline) et de Floxyfral® (fluvoxamine) possèdent une indication chez l'enfant et l'adolescent dans le traitement des TOC. L'atomoxétine est indiquée dans certains pays de l'Union européenne dans le traitement du TDAH.
Contact presse : Aude Chaboissier Tél. 01 55 87 30 33 - aude.chaboissier@afssaps.sante.fr