Dans le cadre de ses activités de suivi de l’utilisation des produits de santé, l’ANSM a observé une augmentation significative des ventes de spécialités contenant de la lévothyroxine depuis une vingtaine d’années, qui semblent toutefois se stabiliser depuis 2011. On estime le nombre de patients traités par lévothyroxine en 2012 à environ 2,9 millions. L’ANSM présente les résultats de son analyse.
Les activités de surveillance de la consommation des médicaments réalisées par l’ANSM doivent permettre de repérer des variations susceptibles d’avoir un impact en termes de santé publique, d’en rechercher les explications et, si besoin, d’agir pour renforcer la sécurité des patients. C’est pourquoi, après avoir constaté une augmentation significative des ventes de spécialités à base de lévothyroxine, l’Agence a procédé à une analyse des pratiques de prescription et de leur évolution.
Les ventes de spécialités contenant de la lévothyroxine ont fortement et continuellement augmenté jusqu’en 2010, puis se sont stabilisées, passant d’environ 4 millions à 34 millions de boites vendues entre 1990 et 2012.
L’analyse des données de remboursement de la population affiliée au Régime général a permis de mieux caractériser la population traitée, estimée à 2,9 millions en 2012. Celle-ci est caractérisée notamment par son augmentation et son vieillissement. Parmi cette population traitée, 10 % des patients sont thyroïdectomisés. L’absence de dosage de TSH (Thyroïd Stimulating Hormone) pris en charge par l’Assurance maladie préalablement à la primo-prescription de lévothyroxine est constatée pour environ 30 % des patients traités.
La forte augmentation des prescriptions de lévothyroxine en France ces deux dernières décennies peut être expliquée par de multiples facteurs. La sensibilisation des médecins et la mise à disposition de techniques d’exploration très sensibles ont conduit à une intensification du dépistage des troubles thyroïdiens et à une prise en charge croissante des troubles hypothyroïdiens. Par ailleurs, la nature physiologique de l’augmentation de la TSH avec l’âge et l’indice de masse corporelle n‘est probablement pas toujours prise en compte. Ceci conduit à une détection plus large et précoce des hypothyroïdies notamment frustes et des nodules et tumeurs même de très petite taille, ou plus généralement de particularités morphologiques ou fonctionnelles dont on ne sait si elles correspondent à des situations pathologiques[1] .
La conséquence peut être une prise en charge médicamenteuse dans le cadre de l’Autorisation de mise sur le marché mais dans des indications à la limite du bon usage, pour un produit dont la marge thérapeutique est étroite et qui est souvent prescrit à long terme.
Aussi, l’ANSM rappelle que la prescription de lévothyroxine doit s’appuyer sur des signes francs et documentés et qu’en cas de doute il est nécessaire avant toute prescription de solliciter l’avis d’un endocrinologue. A ce titre, elle invite également les professionnels de santé à se référer aux recommandations émises par la Haute Autorité de Santé (HAS) et la Société Française d’Endocrinologie (SFE).
L’ANSM poursuit le suivi et l’analyse de l’évolution des ventes et des caractéristiques de prescription des spécialités à base de lévothyroxine afin de déterminer notamment si l’apparente stabilisation des ventes à partir de 2011 se confirme.
Lire aussi
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[1] Wémeau JL, Sadoul JL, d’Herbomez M et al. Recommandations de la Société française d’endocrinologie pour la prise en charge des nodules thyroïdiens. Annales d’Endocrinologie 2011, 72 : 251-281.