L’usage hors AMM d’Avastin® en ophtalmologie conduit l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) à porter à votre connaissance les données disponibles relatives à cette utilisation. A la demande des autorités de santé, un essai multicentrique, institutionnel, est mis en place en France. Il vise à comparer l’efficacité clinique d’Avastin® à celle de Lucentis® dans le traitement de la DMLA.
Avastin® (bevacizumab) est un anticorps monoclonal humanisé qui agit contre toutes les isoformes du VEGF (facteur de croissance vasculaire endothélial extracellulaire). Cette spécialité a obtenu une autorisation de mise sur le marché européenne en janvier 2005 dans le traitement de première ligne du cancer colorectal métastatique, en injection intraveineuse. Avastin® est un médicament réservé à l’usage hospitalier et inscrit sur la liste hors GHS. Sa prescription est réservée aux médecins spécialistes ou compétents en oncologie ou en cancérologie.
Son mode d’action anti-VEGF, identique à celui des médicaments ayant une AMM en ophtalmologie (Macugen® et Lucentis®), conduit des ophtalmologistes à utiliser Avastin en injections intravitréennes dans le traitement des atteintes oculaires avec néovascularisation, telles que la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). Dans le traitement de la DMLA, seuls les médicaments suivants (cf. annexe) bénéficient d’une AMM : Lucentis® (ranibizumab), Macugen® (pegaptanib), et Visudyne® (vertéporphine).
En dehors de la DMLA, Avastin® est également administré dans des pathologies pour lesquelles Lucentis® et Macugen® ne sont pas autorisés (incluant rétinopathie diabétique proliférative, néovaisseaux choroïdiens maculaires en dehors de la DMLA, occlusions veineuses rétiniennes).
L’Afssaps souhaite attirer votre attention sur les points suivants :
1/ La forme pharmaceutique actuelle d’Avastin® n’est pas adaptée à une administration intravitréenne
La forme pharmaceutique actuellement disponible d’Avastin® (Avastin 25 mg/ml solution à diluer pour perfusion) n’est indiquée que pour le traitement des cancers et est réservée à l’usage hospitalier.
Aussi est-il nécessaire de disposer de données concernant la stabilité et les conditions de préparations d’Avastin® dans l’objectif d’une administration intravitréenne.
Aujourd’hui, des incertitudes persistent quant à :
1. La stabilité
Les données bibliographiques disponibles sur la stabilité d’Avastin® ont été analysées par l’Afssaps et ont permis de montrer une sensibilité du produit à la lumière et à la congélation. Il a également été constaté une formation d’agrégats partiellement réversibles lorsque la solution d’Avastin® est soumise à un stress mécanique (agitation). Il n’a pas été observé d’altérations importantes à 20°C mais la conservation d’Avastin® pendant plusieurs jours à 37°C a conduit à une augmentation progressive des agrégats.
À ce jour, ces données de stabilité sont donc insuffisantes : c’est la raison pour laquelle la Direction des Laboratoires et des Contrôles de l'Afssaps réalise des études de stabilité de la solution notamment lorsque celle-ci est reconditionnée en seringue. |
2. Les conditions d’asepsie
La spécialité Avastin® ne contenant pas de conservateur, sa préparation et son conditionnement en seringue ne devraient donc s’effectuer que dans des conditions optimales d’asepsie dans des locaux adaptés, sous hotte à flux laminaire ou isolateur.
2/ Le bénéfice d’Avastin® en ophtalmologie n’est pas clairement démontré à ce jour
Avastin® possède une structure chimique proche de celle de Lucentis®, le ranibizumab étant une fraction modifiée de bevacizumab. Cette similarité entre les deux molécules a amené les praticiens à considérer qu’Avastin® pouvait être efficace dans les indications ophtalmologiques, en particulier dans le traitement de la DMLA. Toutefois, les données disponibles sur le sujet apportent un niveau de preuve insuffisant (études non comparatives, en ouvert, pendant trois mois au maximum). De plus, aucune étude de détermination de dose ni de rythme d’administration n’a été menée.
3/ Les données de sécurité d’emploi d’Avastin® en ophtalmologie sont encore limitées
Les données internationales de pharmacovigilance, issues de la notification spontanée, ainsi que celles de la littérature sont limitées, en raison probablement d’une forte sous-notification des effets indésirables survenant dans cette utilisation hors AMM.
Cependant, elles mettent en évidence que cette utilisation est associée à un risque d’endophtalmies/uvéites (lié à la procédure d’injection) et de déchirure ou décollement de l’épithélium pigmentaire rétinien. Des cas d’effets indésirables thrombotiques ont également été rapportés comme avec les autres médicaments inhibiteurs du VEGF.
Récemment, il a aussi été rapporté au Canada des cas d’inflammations oculaires sévères et d’endophthalmies non infectieuses faisant suite à une administration intravitréenne d’Avastin® : les symptômes incluaient irritation oculaire, photophobie, vision floue et une sensation de corps flottants associés à des réactions cellulaires antérieures et postérieures avec une présence occasionnelle de fibrine dans la chambre antérieure de l’œil.
Compte tenu de l’utilisation hors-AMM et des incertitudes évoquées plus haut, un essai multicentrique est mis en place par les Hospices Civils de Lyon à la demande des autorités de Santé. |
Cet essai (GEFAL, Groupe d’Evaluation Français Avastin versus Lucentis) a pour objectif de montrer la non-infériorité d’Avastin® par rapport à Lucentis® en termes d'efficacité clinique à 12 mois sur l'acuité visuelle de patients atteints de DMLA néovasculaire rétrofovéolaire. Des centres hospitaliers publics, des cliniques et des cabinets privés dispersés sur le territoire français participeront à l’étude GEFAL. Il est prévu d’inclure un nombre total de patients de 600 patients.
Le protocole prévoit une injection intravitréenne mensuelle systématique pendant les 3 premiers mois (à la posologie de 1,25 mg par injection pour Avastin® et 0,5 mg par injection pour Lucentis®) puis une phase de surveillance standardisée des patients pendant 9 mois avec la possibilité de nouvelles injections selon des critères cliniques et angiographiques prédéterminés.
La durée totale de l’étude sera de 3 ans avec un début des inclusions au printemps 2009. Dans cette étude, il est recommandé qu’un flacon d’Avastin® (conservé au réfrigérateur entre +2/ +8°C) ne donne lieu qu’à la préparation d’une seule seringue destinée à un patient, le reste de solution devant être éliminé. La seringue d’Avastin® est préparée de façon aseptique dans des locaux adaptés, sous hotte à flux laminaire ou isolateur par la PUI autorisée au sein des établissements de santé, et conservée au réfrigérateur. Les administrations d’Avastin® et de Lucentis® seront effectuées dans les 12 heures suivant la préparation des seringues.
Des études sont également projetées ou déjà en cours afin d’évaluer l’efficacité et le profil de tolérance d’Avastin® dans le traitement de la DMLA dans d’autres pays européens (Grande-Bretagne, Allemagne, Autriche, Espagne) ainsi qu’aux Etats-Unis.
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L’Afssaps rappelle que tout effet indésirable grave ou inattendu susceptible d’être lié à la prise d’Avastin® doit être déclaré par les professionnels de santé au CRPV de rattachement géographique.