Lors de sa réunion mensuelle, qui s’est tenue du 6 au 9 février 2017 à Londres, le Comité pour l’Evaluation des Risques en matière de Pharmacovigilance (PRAC) de l’Agence européenne des médicaments (EMA) a démarré une procédure d’arbitrage concernant les quinolones et fluoroquinolones, finalisé l’arbitrage concernant les SGLT2 (canagliflozine, dapagliflozine, empagliflozine), engagé une évaluation du signal concernant selexipag et décidé une information aux professionnels de santé liés à l’utilisation hors AMM de bendamustine.
Démarrage d’un arbitrage - Quinolones et fluoroquinolones et risque d’effets indésirables durables, handicapants et potentiellement irréversibles touchant principalement les muscles, les articulations et le système nerveux
Les quinolones et les fluoroquinolones sont des antibiotiques administrés par voie systémique ou par voie inhalée utilisés pour traiter des infections bactériennes au cours desquelles le pronostic vital peut être engagé.
Les produits autorisés dans l’union européenne contiennent les substances actives suivantes :
- Quinolones : acide nalidixique, acide pipemidique, cinoxacine
- Fluoroquinolones : Enoxacine, pefloxacine, lomefloxacine, ciprofloxacine, levofloxacine, ofloxacine, moxifloxacine, norfloxacine, prulifloxacine, rufloxacine, flumequine.
Des effets indésirables durables, handicapants et potentiellement irréversibles touchant principalement les muscles, les articulations et le système nerveux ont été notifiés.
En mai 2016, la FDA a conduit une revue de ces effets chez les patients traités par fluoroquinolone par voie systémique, qui a entrainé une restriction de l’utilisation de ces produits dans des infections moins sévères (sinusite aigue, bronchite aigue, infection urinaire non compliquée). Une approche similaire a récemment été suivie par Santé Canada. Alors que, dans l’Union Européenne, ces effets indésirables figurent déjà dans la plupart des « informations produits », ils n’ont pas été évalués de façon systématique.
Une procédure d’arbitrage (article 31) a été initiée à la demande de l’Allemagne et le PRAC a adopté une liste de questions destinées aux titulaires d’AMM et a demandé à l’EMA de réaliser une analyse complémentaire à partir de la base européenne de pharmacovigilance. Une nouvelle discussion est prévue au PRAC de juillet 2017.
Arbitrage- SGLT2 (canagliflozine, dapagliflozine, empagliflozine) et risque d’amputation des membres inférieurs (article 20)
La canagliflozine, la dapagliflozine et l’empagliflozine sont des inhibiteurs du co-transporteur sodium – glucose de type 2 (SGLT2). Ces médicaments sont indiqués par voie orale chez les adultes atteints de diabète de type 2 lorsqu'un régime alimentaire et l'exercice physique seuls ne permettent pas d'obtenir un contrôle glycémique adéquat. Ces médicaments sont autorisés en Europe depuis 2012.
Une procédure d’arbitrage (Article 20) a été initiée par la Commission Européenne le 15 avril 2016 pour les médicaments contenant de la canagliflozine suite à l’observation, dans une étude clinique, d’une augmentation des amputations des membres inférieurs, principalement des orteils, chez les patients traités par canagliflozine comparativement à ceux traités par placebo (environ 2 fois plus).
Dans le cadre de cette procédure d’arbitrage, le PRAC a été sollicité par le CHMP afin de revoir également les données disponibles sur le risque d’amputations des membres inférieurs pour les autres médicaments de la même classe : dapagliflozine (Forxiga®, Xigduo®, Edistride®, Ebymect®) et empagliflozine (Jardiance®, Synjardy®). Lors de la réunion de juillet 2016, les membres du PRAC ont considéré que les données soumises ne permettaient pas de rassurer quant au risque d’amputation sous dapaglifozine ou empagliflozine et le PRAC a demandé à la Commission Européenne d’étendre la procédure d’arbitrage (article 20) initiée pour les spécialités contenant de la canagliflozine aux spécialités contenant de la dapagliflozine et de l’empagliflozine, un effet de classe ne pouvant être exclu.
Lors de la réunion de février 2017, après avoir revu les données en lien avec le risque d’amputation du membre inférieur soumises par les titulaires d’AMM, le PRAC a considéré que le traitement par canagliflozine pouvait contribuer à une augmentation du risque d’amputation, principalement des orteils. Le mécanisme responsable de cette augmentation du risque n’a pas été clairement identifié et le PRAC a considéré qu’un effet de classe ne pouvait être exclu. Comme aucun facteur de risque ne pouvait être identifié en dehors des facteurs généraux contribuant aux risques d’amputation, le PRAC a recommandé qu’il soit conseillé aux patients de faire l’objet de soins préventifs des pieds et de maintenir une hydratation adéquate.
Le PRAC a proposé de modifier les informations produits sur le risque d’amputation des membres inférieurs et de mettre à jour le plan de gestion des risques pour faire apparaitre le risque d’amputation comme risque important identifié pour les spécialités à base de canagliflozine et comme risque potentiel important pour les spécialités à base de dapagliflozine et d’empagliflozine.
Le rapport bénéfice-risque des inhibiteurs SGLT2 reste favorable sous réserve des modifications demandées.
Selexipag : mesures de précaution suite à des décès survenus en France
Le selexipag (Uptravi), agoniste des récepteurs de la prostacycline, dispose d'une autorisation de mise sur le marché européenne (procédure centralisée) et est indiqué dans le traitement par voie orale de certaines formes d'hypertension artérielle pulmonaire (HTAP). Cette spécialité est disponible en France depuis mai 2016, elle est soumise à une prescription hospitalière et réservée aux spécialistes en pneumologie, cardiologie ou médecine interne. Elle est commercialisée dans plusieurs pays européens ainsi qu'aux Etats-Unis.
Cinq cas de décès survenus au cours de la phase d'initiation de traitement par Uptravi ont été déclarés en France. L’ANSM a saisi le PRAC afin qu’une évaluation de ce signal soit réalisée au niveau européen.
En février 2017, le Royaume-Uni pays rapporteur a présenté au PRAC les cinq cas de décès survenus en France, ainsi que des données issues des études cliniques et d’une revue synthétique des cas de pharmacovigilance internationale. L’analyse du signal, considéré comme faible par le pays rapporteur, se poursuit. Dans l’attente des recommandations finales du PRAC, l’ANSM a, à titre de précaution, demandé aux prescripteurs :
- de ne pas initier de nouveaux traitements par selexipag,
- de réévaluer le bien fondé et la tolérance de la poursuite des traitements en cours par selexipag et d'apprécier la nécessité d’un éventuel suivi rapproché des patients traités,
- de respecter les contre-indications et mises en garde mentionnées dans l'autorisation de mise sur le marché.
Bendamustine : Lettre aux professionnels de santé sur l’augmentation de la mortalité lors d’une utilisation hors-AMM
La bendamustine (en France : Levact 2.5 mg/ml, Bendamustine Accord 2,5 mg/ml) est indiqué dans le traitement de la leucémie lymphoïde chronique, du lymphome non hodgkinien et du myélome multiple, utilisée en monothérapie ou en association avec d’autres médicaments.
Ce médicament est associé à un risque de myélosuppression et d’infections potentiellement graves ; des mises en garde sont actuellement présentes dans les RCPs.
Les résultats d’études cliniques récentes (GALLIUM ; BRIGHT) ont montré une augmentation de la fréquence des infections opportunistes et une augmentation de la mortalité lors d’une utilisation en dehors des indications de l’AMM et en association non autorisée à d’autres médicaments. Dans le cadre du renouvellement de Levact (DE/H/1250/001/R/001), à la demande de l’Allemagne, le PRAC a recommandé de renforcer les mises en garde et les mesures de précaution sur le risque de lymphocytopénie prolongée et de taux faible de cellules T-CD4+ dans les RCPs. Une lettre sera adressée aux professionnels de santé afin de les informer de ces nouvelles recommandations et des résultats de ces études cliniques.