Appelée à se prononcer sur la qualification d’un logiciel qui ne se borne pas au stockage de données, mais qui les utilise, les exploite, et les interprète, et plus spécifiquement sur le statut d’un logiciel d’aide à la prescription (LAP), au regard de la définition de DM de la directive 93/42/CEE modifiée relative aux dispositifs médicaux, la Cour de justice de l’Union européenne conclut :
" Un logiciel dont l’une des fonctionnalités permet l’exploitation de données propres à un patient, aux fins notamment de détecter les contre‑indications, les interactions médicamenteuses et les posologies excessives, constitue, pour ce qui est de cette fonctionnalité, un dispositif médical, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, sous a), de la directive 93/42, et ce même si un tel logiciel n’agit pas directement dans ou sur le corps humain. "
Elle pose donc le principe selon lequel, pour être qualifié de DM, un logiciel doit répondre à 2 conditions cumulatives :
Quelques éléments importants de cette décision de justice méritent ainsi d’être soulignés et retenus :
Elle explique que la finalité médicale s’apprécie au regard de la définition du DM telle qu’issue des textes.
Concernant l’action sur des données patients, elle mentionne à ce titre les termes « créer ou modifier des renseignements médicaux, processus de calcul, quantification, comparaison », lesquels sous-entendent que lesdits logiciels, pour être qualifiés de DM, doivent certes d’une part intégrer des données de patients, mais aussi et d’autre part les avoir manipulées dans un but médical préalablement défini.
Au vu de ce qui précède, une bibliothèque numérique qui intègre des données patients, mais dans un but exclusif de stockage, d'archivage, c'est-à-dire "sans les exploiter", n’est en ce sens pas un DM.
La Cour valide ensuite la notion de modules dans un logiciel, et précise que chacun d’entre eux doit être individuellement qualifié, au regard de sa finalité ; à cet égard, seuls les modules/fonctionnalités ayant une finalité médicale sont qualifiés de DM et devront à ce titre être marqués CE.
Cet arrêt de la CJUE du 7 décembre 2017 constitue une avancée importante :
Il constitue en cela une décision jurisprudentielle dont le contenu doit être pris en compte pour l’application de la réglementation, notamment concernant la qualification des produits en DM.
La Cour Européenne s’étant prononcée au regard des LAP, un point spécifique sur ces logiciels s’impose .
Qualification et classification des LAP
Il découle ainsi de cette décision de justice européenne que la grande majorité des LAP, ou du moins les modules qui les composent, qui permettent l’exploitation de données propres à un patient, aux fins notamment de détecter les contre ‑indications, les interactions médicamenteuses et les posologies excessives , sont désormais qualifiés de dispositifs médicaux.
En tant que DM, les LAP doivent donc désormais respecter les obligations qui s'imposent à ce type de produits, telles que répondre aux exigences essentielles applicables et être dotés du marquage CE, qui atteste de leur conformité à ces exigences. (application de l’article R. 5211-12 du code précité tel qu’issu de la transposition de la directive 93/42/CEE)
Cette conformité doit être établie avant la mise sur le marché des produits.
Les LAP relèvent aujourd’hui de la classe I, et donc une procédure d’auto-certification visée à l’annexe VII de la directive s’applique.
Mais demain, en application du Règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux, actuellement en vigueur et dont l'application sera obligatoire le 26 mai 2020, ils relèveront des 3 autres classes en fonction du risque potentiel lié à leur utilisation, soit de la classe IIa, IIb ou III.
En fonction de la classe, le fabricant devra suivre une ou des procédures définies par la règlementation, permettant de démontrer la conformité de ses produits aux exigences essentielles.
Un rectificatif au Règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux, modifiant la directive 2001/83/CE, le règlement (CE) no 178/2002 et le règlement (CE) no 1223/2009 et abrogeant les directives du Conseil 90/385/CEE et 93/42/CEE, a été publié au Journal Officiel de l’Union européenne, le 27 décembre 2019.
Suite à ce rectificatif, l’article 120 en point 3, page 89, indique que :
3. Par dérogation à l’article 5 du présent règlement, un dispositif qui est un dispositif de classe I en vertu de la directive 93/42/CEE, pour lequel une déclaration de conformité a été établie avant le 26 mai 2020 et pour lequel la procédure d’évaluation de la conformité au titre du présent règlement requiert l’intervention d’un organisme notifié, ou qui est muni d’un certificat délivré conformément à la directive 90/385/CEE ou à la directive 93/42/CEE et qui est valide en vertu du paragraphe 2 du présent article, peut être mis sur le marché ou mis en service jusqu’au 26 mai 2024 si, à compter du 26 mai 2020, il continue de respecter l'une de ces directives et pour autant qu'il n'y ait pas de changement significatif dans la conception et la finalité. Cependant, les exigences du présent règlement relatives à la surveillance après commercialisation, à la surveillance du marché, à la vigilance, à l'enregistrement des opérateurs économiques et des dispositifs, s'appliquent en lieu et place des exigences correspondantes desdites directives. »
Cela signifie que tous les dispositifs, dont les logiciels et donc les LAP, mis sur le marché en tant que DM de classe I marqué CE au titre de la Directive 93/42/CEE, avant le 26 mai 2020, pourront continuer à être mis sur le marché ou mis en service jusqu’au 26 mai 2024