Mesures de réduction du risque potentiel de transmission de la nouvelle forme de MCJ (nv-MCJ) par les produits sanguins

28/02/2000
1 - Introduction :

Les mesures de réduction du risque de transmission des ESST par les produits sanguins passent aujourd’hui par l’exclusion définitive du don des personnes présentant des facteurs de risque de MCJ (traitement par hormones pituitaires extractives, greffe de dure-mère, exploration ou intervention neurochirurgicale, antécédents familiaux…). D’autres mesures de portée plus large telles que, en 1997, l’exclusion définitive du don des donneurs transfusés ou greffés et, depuis avril 1998, la déleucocytation des produits sanguins labiles cellulaires, sont également susceptibles de renforcer la sécurité au regard de ce risque.

Afin d’adapter ces mesures de sécurité sanitaire aux nouvelles données disponibles, l’Afssaps et l’AFS ont réuni leurs experts entre avril 1999 et février 2000. La principale question abordée concerne l’analyse du risque de transmission par les produits sanguins du nouveau variant de la MCJ (nv-MCJ) qui résulterait du passage à l’homme de l’agent responsable de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB).

A ce titre et compte tenu des décisions des autorités sanitaires américaines et canadiennes, l’intérêt d’une mesure d’exclusion du don de sang des donneurs ayant séjourné dans les îles britanniques a été évalué.

2 – Que sait-on sur le risque de transmission du nv-MCJ par le sang ?

En ce qui concerne les formes " classiques " de la MCJ (sp-MCJ), les experts considèrent que les données expérimentales et épidémiologiques ainsi que le recul disponible pour l’analyse sont en faveur d’un risque par transmission qui peut être considéré aujourd’hui comme très faible et possiblement nul. En effet, de nombreuses données sont maintenant cohérentes pour expliquer que l’observation d’un cas de transmission de sp-MCJ par les produits sanguins est hautement improbable.

En revanche, l’existence d’un risque de transmission du nv-MCJ par les produits sanguins est une hypothèse compatible avec la présence de l’agent dans les formations lymphoïdes qui laisse suggérer sa présence dans le sang. Cependant, aucune donnée expérimentale chez l’animal ou épidémiologique chez l’homme ne documente aujourd’hui la transmission de l’agent par les produits sanguins. Les expériences en cours actuellement sur la transmission du nv-MCJ par le sang ne permettent pas de conclure encore sur l’existence et le niveau de ce risque. L’ensemble de ces données ne permet pas de rejeter, compte tenu du peu de recul, l’hypothèse d’un risque potentiel de transmission par le sang du nv-MCJ.

3 – Quelles sont les sources d’exposition à l’ESB en France ?

Dans l’hypothèse d’une transmission alimentaire de l’agent, les sources d’exposition des donneurs de sang à l’ESB retenues sont la consommation en France de produits bovins britanniques importés et de séjours au Royaume-Uni, pour la période 1980-1996.

L’estimation de l’exposition à l’ESB en France s’est appuyée sur les données quantitatives de produits bovins britanniques importés en France et sur la durée cumulée des séjours des donneurs de sang au Royaume-Uni entre 1980 et 1996 telle qu’elle a été estimée par une enquête réalisée auprès de 10 ETS répartis sur le territoire national. A partir de ces données, les experts ont estimé que l’exposition à l’agent ESB des donneurs ayant séjourné dans les îles britanniques ne contribuait que pour une part limitée (5%) de l’exposition totale.

Cet impact limité des séjours au Royaume-Uni à l’exposition globale s’explique par le fait que la consommation des produits bovins britanniques concerne l’ensemble de la population française pendant toute la période 1980-1996 alors que les séjours dans les îles britanniques ne concernent qu’un tiers de la population sur des durées plus limitées. L’hypothèse retenue par la majorité des experts est que cette exposition est 20 fois inférieure à celle au Royaume-Uni. Cette hypothèse est compatible avec l’épidémiologie du nv-MCJ au Royaume-Uni et en France où les deux cas déclarés à ce jour n’ont pas séjourné dans les îles britanniques.

4 – Intérêt d’une mesure d’exclusion des donneurs ayant séjourné au Royaume-Uni pour réduire le risque potentiel de transmission du nv-MCJ :

L’exclusion de tous les donneurs ayant séjourné au Royaume-Uni ne réduirait que de 5 % l’exposition totale des donneurs à l’ESB et aurait au mieux, une efficacité limitée dans la réduction du risque potentiel de transmission du nv-MCJ par les produits sanguins.

Pour les personnes ayant séjourné de façon prolongée au Royaume-Uni, la surexposition individuelle au risque ESB n’est pas corrélée directement à une augmentation mesurable du risque individuel de développer un nv-MCJ. Ainsi, les données disponibles sont insuffisantes pour définir la durée au-delà de laquelle la "surexposition" pourrait devenir significative pour un donneur et constituer ainsi un critère d’exclusion.

Ainsi, pour exclure 90 % de la "surexposition" liée aux séjours dans les îles britanniques, il serait nécessaire d’exclure du don les personnes ayant séjourné plus de 15 jours dans les îles britanniques entre 1980 et 1996.

La mesure d’exclusion pour cause de "surexposition" doit aussi prendre en considération deux conséquences négatives. La première concerne la nécessité de recourir à de nouveaux donneurs avec la possibilité d’une augmentation faible mais réelle du risque résiduel vis-à-vis des virus du Sida, de l’hépatite C et de l’hépatite B. La seconde concerne l’exclusion définitive de plus de 10 % de donneurs qui pourrait être difficilement supportée par le système de transfusion sanguine.

C’est pourquoi, à ce jour, il apparaît que l’exclusion des donneurs ayant séjourné dans les îles britanniques n’est ni adaptée ni proportionnée à la maîtrise du risque de transmission du nv-MCJ.

5 – Autres mesures de réduction du risque potentiel :

Certaines étapes des procédés actuels de préparation des produits sanguins contribuent aujourd’hui significativement à assurer la sécurité des produits sanguins vis-à-vis des ESST. Ainsi la déleucocytation est une opération qui consiste à soustraire la majorité des leucocytes des concentrés de globules rouges et de plaquettes. Les leucocytes apparaissent, en l’état actuel des données, comme le principal support de la charge infectieuse associée au sang. Cette mesure a été généralisée en France à l’ensemble des PSL cellulaires en 1998. Les étapes de précipitation, de chromatographie et de filtration aujourd’hui utilisées dans la fabrication des médicaments dérivés du sang permettraient de garantir une réduction significative de la charge infectieuse potentielle présente dans le plasma.

6 - Mesures adoptées pour renforcer la sécurité des produits sanguins :

Considérant que le risque de transmission du nv-MCJ est à ce stade un risque potentiel non documenté à ce jour,

Considérant que l’exclusion des donneurs ayant séjourné au Royaume-Uni aurait au mieux un effet limité au prix d’un impact qualitatif et quantitatif sur les dons du sang et la population des donneurs et de conséquences éthiques et sociales encore à envisager,

Considérant qu’à ce stade aucun test validé de détection de l’agent ne permet d’envisager la détection des personnes infectées par l’agent,

Considérant que les mesures en place telle que la déleucocytation des PSL cellulaires et certaines étapes de procédés de fractionnement sont considérées comme des mesures efficaces de réduction de la charge infectieuse potentiellement présente dans le sang ou ses composants,

Les autorités sanitaires sur proposition de l’Afssaps et après avis de l’EFS ont décidé des actions suivantes :
  • compléter les mesures de réduction de la charge infectieuse comme :
    • la déleucocytation de la totalité des plasmas en complément de la déleucocytation actuelle des PSL cellulaires qui pourrait être opérationnelle d’ici la fin de l’an 2000,
    • l’ajout de procédés de filtration, en fonction des produits, dans les procédés de fabrication des médicaments dérivés du sang.
  • poursuivre les validations de ces procédés de réduction de la charge infectieuse tant pour la préparation des PSL que des MDS.
  • maintenir une veille scientifique et épidémiologique rigoureuse pour permettre l’analyse de toute donnée nouvelle qui serait susceptible de modifier l’analyse actuelle du risque, y compris les données qui remettraient en question les différentes sources d’exposition à l’agent ESB de la population française.

Contact presse : Henriette CHAIBRIANT 01 55 87 30 18