Mise en évidence post-mortem d’une protéine du prion associée au variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob dans la rate d’un patient hémophile résidant au Royaume-Uni

18/02/2009

1. Point sur les faits

La protéine prion associée au variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (vMCJ) a été mise en évidence dans la rate d’un patient hémophile décédé au Royaume-Uni. Parmi ses nombreux traitements, cet hémophile a reçu, il y a 11 ans un lot de facteur VIII (facteur de coagulation utilisé pour traiter l’hémophilie). Ce lot a été fabriqué à partir de plasma prélevé en 1996 chez un donneur qui a développé une vMCJ six mois après ce don. La dose reçue n'est pas connue à ce stade.
Cet hémophile, décédé à l’âge de 74 ans, ne présentait aucun signe clinique de vMCJ ni de troubles neurologiques de son vivant, et il est décédé d’une autre cause que cette maladie.

La recherche de cette protéine prion a été entreprise chez ce patient car il faisait partie d'une cohorte de surveillance épidémiologique, mise en place en 2004 au Royaume Uni pour suivre les sujets hémophiles qui avaient reçu des médicaments dérivés du sang produits à partir de plasmas prélevés au Royaume-Uni entre 1980 et 2001. La présence de cette protéine pathologique, marqueur d'une infection potentielle par l'agent de la MCJ n'est pas systématiquement recherchée dans la population générale.

Les autorités de santé britanniques explorent actuellement la cause la plus plausible de la présence de cette protéine pathologique retrouvée chez ce sujet, qui a par ailleurs été exposé au risque alimentaire britannique.

Il s’agit de la première mise en évidence de protéine anormale chez un patient qui a été traité pour hémophilie.

2. Rappel de l’évaluation du risque de transmission et des mesures prises en France concernant les produits sanguins labiles et les médicaments dérivés du sang

Le risque de transmission des encéphalopathies spongiformes subaiguës transmissibles (ESST) par le sang et ses composants (médicaments dérivés du sang (MDS) et produit sanguins labiles (PSL)) a fait l’objet d’une première évaluation par un groupe d’experts multidisciplinaire en décembre 2000 et de mises à jour régulières, qui ont conduit à l’élaboration de plusieurs rapports entre 2000 et 2007.
Depuis 2000, où ce risque de transmission a été pris en compte, bien que qualifié de théorique pour les MDS, des mesures de minimisation du risque ont été mises en place pour renforcer la sécurité de ces produits au regard du risque de transmission des ESST et ont été régulièrement réévaluées.

Voir également le tableau en annexe

 La sélection clinique des donneurs de sang

Des critères d’exclusion des donneurs considérés "à risques" ont été mis en place dès 1992 tels que des antécédents familiaux de maladie neurodégénérative, un traitement par hormones de croissance extractives d’origine humaine hypophysaire, une greffe avec des tissus du SNC. La sélection a été renforcée en 1997 avec l’exclusion des donneurs antérieurement transfusés et en 2001 avec l’exclusion des donneurs ayant séjourné plus d’un an cumulé au Royaume-Uni entre 1980 et 1996 (période à risque au regard de l’épizootie d’ESB dans ce pays).

 La déleucocytation systématique des plasmas français

L’élimination des globules blancs résiduels dans le plasma (déleucocytation) a été proposée et mise en place dès 2001 pour les produits sanguins labiles lorsque le rôle de vecteur de l’agent pathogène des globules blancs a été mis en évidence. A compter de juin 2002, l’ensemble des MDS étaient fabriqués exclusivement à partir de plasma déleucocyté.

 Rôle des étapes spécifiques de fractionnement des MDS pour l’élimination des prions

A la suite de l’analyse de risque conduite en 2000, des étapes spécifiques de nanofiltration, dédiées à l’élimination des protéines prions, ont été mises en place pour les différents MDS, par ordre de priorité au regard de leur niveau de risque résiduel établi par les experts (rapport déc. 2000).

Ainsi le facteur VIII est nanofiltré depuis janvier 2001. L’analyse de risque de transmission du vMCJ par les MDS a été poursuivie et s'est focalisée notamment sur l'étude des capacités d’élimination du prion par les différentes étapes du procédé de préparation des MDS (fractionnement du plasma). Des études de validation d'élimination de l'agent pathogène ont permis de quantifier et valider l'apport de certaines étapes du fractionnement (précipitation, chromatographie, nanofiltration) dans la réduction de la charge infectieuse (rapport déc 2004).

En 2007, la réactualisation de l’analyse de risque a pris en compte la modification de l’estimation de la fréquence des dons potentiellement contaminés. La contribution des étapes de sécurisation des procédés est demeurée inchangée.

Ces étapes de minimisation du risque ne peuvent s’appliquer aux PSL, dont la sécurisation repose sur la sélection des donneurs et la déleucocytation des PSL (rapport d’expertise précédemment cité).

Par ailleurs, des mesures de sécurisation ont été mises en place en France dès 1994 avec les procédures de rappel de lots. En effet, ces rappels de lots sont initiés chaque fois qu’une information post don portant sur un cas de MCJ est portée à la connaissance des autorités sanitaires.

3. Premiers éléments d’analyse du cas d’un hémophile trouvé porteur post-mortem de la protéine du prion

Ce cas a été découvert parce que le patient faisait partie d’une cohorte de suivi de sujets ayant reçu des MDS considérés à risque par les autorités britanniques. Il ne s’agit pas d’un cas clinique de vMCJ puisque le sujet ne présentait aucun signe de neurodégénérescence à son décès.

La découverte chez ce sujet appelle à ce stade, deux commentaires, sans préjudice de l’évaluation plus approfondie qui doit être conduite :

  •  la présence de la protéine prion dans la rate du sujet, sans signe clinique, ne permet pas de déterminer si le sujet aurait développé la maladie ;
  • la présence de la protéine prion chez un sujet Britannique, exposé par ailleurs jusqu’aux années 90, au risque alimentaire ESB, comme toute la population britannique ne permet pas à ce stade de l’investigation d’affirmer formellement que la protéine a été apportée par le traitement de l’hémophilie (MDS), dans la mesure où d’autres hypothèses doivent être explorées : celle de l’origine alimentaire et celle qui serait liée à l’administration de PSL.

En conclusion, à ce stade de l’investigation, les éléments disponibles ne semblent pas suffisamment conclusifs pour établir de façon formelle un lien de causalité entre l’administration du MDS chez ce patient hémophile et la découverte de protéine du prion dans sa rate.

Dans ce contexte, l’Afssaps réunira dans les prochaines semaines son groupe de travail compétent dans l’évaluation du risque prion, pour analyser plus avant les éléments relatifs à cet évènement qui ont déjà été communiqués et qui pourraient l’être, en vue de déterminer si cet événement est de nature à modifier l’analyse de risque menée jusqu’alors.

Annexe

Prévention de la transmission de la MCJ par les produits sanguins
1992

Contre-indications au don des donneurs à risque de MCJ :

  •  Antécédents familiaux de maladie neurodégénératives
  • Interventions neurochirurgicales
  • Traitement par hormone de croissances extractives d’origine humaine hypophysaire
  • Greffe avec des tissus du SNC
1997 Exclusion définitive des donneurs antérieurement transfusés
1998 Généralisation de la déleucocytation des PSL cellulaires (limite : ≤ 106 leucocytes résiduels/ unité de PSL)
2001(janvier)  Exclusion des donneurs ayant séjourné plus d’un an cumulé au Royaume-Uni entre 1980 et 1996
Depuis 2001 Amélioration des procédés de préparation des MDS mis à disposition par le LFB
2001 (avril) Extension de la déleucocytation au plasma thérapeutique ou pour fractionnement (limite : ≤106 leucocytes résiduels / litre de plasma)
2002-2003 Révision des recommandations sur l’utilisation des PSL : août 2002 pour le plasma et les CGR, juin 2003 pour les CP et les concentrés de granulocytes
2003 Modification de la norme de déleucocytation des plasmas homologues à usage thérapeutique (limites ≤104 leucocytes résiduels / litre de plasma)
2003 Réduction de la quantité de plasma dans les PSL cellulaires par la mise à disposition de solution additive de conservation
Mesures prises en cas de MCJ chez un donneur de sang
1994

Retrait des produits sanguins

Retrait des MDS (et le cas échéant des PSL) non encore consommés au motif d’un risque MCJ (facteur de risque identifié a posteriori chez un donneur, cas déclarés)

1995 Arrêt du retrait des lots de MDS en cas de facteur de risque MCJ détecté a posteriori d'un don chez un donneur, mais maintien de la mesure pour les cas déclarés
Mars 2001

Gestion du risque nosocomial

Les receveurs de PSL issus de sang prélevé chez un donneur atteint de vMCJ sont classés dans une catégorie analogue à celle des patients présentant des facteurs de risque individuel d’ESST classique. Des procédures de destruction et nettoyage du matériel utilisé chez ces patients sont mises en œuvre .

Février 2005

Informations nominatives des personnes exposées

  • Les receveurs de PSL sont informés individuellement par leur médecin lorsque le donneur est atteint de vMCJ. Dans cette situation, ils sont exclus du don d’organes, de tissus ou de cellules.
  • Les patients hémophiles ayant reçu un MDS dans la fabrication duquel est intervenu un don prélevé chez un donneur atteint de vMCJ sont informés nominativement. Cette information est justifiée par le fait qu’ils peuvent exercer un choix thérapeutique, entre l’origine plasmatique ou recombinante des fractions anti-hémophiliques, et non par le niveau de risque.

Contacts presse : presse@afssaps.sante.fr