Information sur le risque de transmission du variant de la Maladie de Creutzfeldt-Jakob par les produits sanguins

29/01/2001

Madame, Monsieur, Cher confrère,

Dans le cadre de l’évaluation régulière des données scientifiques disponibles sur le variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (v-MCJ) et le risque de transmission de cet agent pathogène par les produits de santé, l’Afssaps a réuni en novembre 2000 un groupe d’experts multidisciplinaire présidé par le Pr. B. Bégaud. Ce groupe a rendu le 11 décembre 2000 un avis sur le risque de transmission du v-MCJ par les produits sanguins et sur l’ensemble des options susceptibles de le réduire. Cette analyse de risque complète le précédent rapport sur la question établi en février 2000. Ces deux rapports sont disponibles sur le site Internet de l’Afssaps (http://afssaps.sante.fr .).

A partir des données les plus récentes et en posant des hypothèses de travail qui maximalisent volontairement ce risque théorique, les experts ont estimé la charge infectieuse potentielle des différents produits sanguins (produits sanguins labiles et médicaments dérivés du sang). Ainsi, ils ont pu comparer le niveau de risque de ces produits en tenant compte de leurs conditions d’utilisation. Les hypothèses de travail et les conclusions sont détaillées dans les deux rapports. Je souhaite cependant attirer l'attention des prescripteurs sur l’analyse de risque et vous informer des principales recommandations des experts et des décisions qui ont été prises.

Analyse de risque

L’analyse de risque, fondée sur les hypothèses les plus pessimistes, a montré qu'il faut placer les produits sanguins labiles (PSL) et les médicaments dérivés du sang (MDS) dans deux classes distinctes compte tenu de leur niveau de risque respectif.

Pour les PSL, l’existence d’un risque théorique de transmission du v-MCJ par ces produits persiste même après déleucocytation. Toutefois, ce risque, s’il existe, serait faible dans la mesure où le nombre de cas de v-MCJ a été estimé par les experts en France entre 6 et 300 au cours des 60 prochaines années soit un taux de personnes en incubation susceptibles de donner leur sang comprise entre 1/6 millions et 1/ 120 000.

Pour les MDS, les procédés de fabrication apportent une marge de sécurité qui, même dans les hypothèses les plus pessimistes, permet de considérer le risque théorique de transmission du v-MCJ par les MDS préparés à partir du plasma français comme extrêmement faible, s’il existe, et ne justifie pas le retrait ou l’interdiction des MDS préparés à partir de plasmas français.

Recommandations et décisions

1- La première des mesures qui s’impose face à ce risque théorique, et ceci pour tous les produits sanguins, concerne le strict respect des indications de manière à restreindre l'utilisation aux seules situations où le recours à ces produits est incontournable pour le bénéfice du patient. L’existence de ce risque théorique vis-à-vis du v-MCJ ne remet pas en question l’utilisation de ces produits chez les patients pour lesquels ces produits représentent une thérapeutique vitale et irremplaçable.

Pour les PSL, il convient de veiller au respect des recommandations élaborées par l’ANAES (Indications et contre-indications des transfusions de PSL, novembre 1997, http://www.anaes.fr.). Le recours aux produits alternatifs tels que la transfusion autologue et aux techniques d’épargne est à envisager chaque fois que possible. Une actualisation des indications des PSL et une évaluation de la place des alternatives à la transfusion seront réalisées cette année en concertation avec les prescripteurs et les professionnels de la transfusion. Dans l’attente, la circulaire DGS/DH/AFS n° 97-57 du 31 janvier 1997 relative à la transfusion autologue en chirurgie reste le document de référence.

Pour les MDS, les indications telles que définies par les AMM doivent être strictement observées.

2- Pour réduire encore ce risque potentiel et augmenter la marge de sécurité des produits sanguins, il a été décidé, à titre d’extrême précaution, d'exclure du don de sang, les donneurs ayant séjourné plus d'un an au Royaume-Uni entre 1980 et 1996.

3- De plus, la déleucocytation des produits sanguins labiles, déjà effective pour les produits cellulaires depuis 1998, sera opérationnelle en avril 2001 pour l’ensemble des plasmas – thérapeutiques et destinés au fractionnement - afin de réduire en amont la source principale de l'infectiosité susceptible d’être présente dans le sang.

4- Pour les facteurs de coagulation, l’évaluation réalisée a permis de déterminer la marge de sécurité des différents produits vis-à-vis du risque v-MCJ. Compte tenu du niveau de sécurité des produits et d’autres risques comme l'apparition d'anticorps inhibiteurs, il a été décidé de maintenir l’accès du prescripteur aux produits recombinants et aux produits plasmatiques.

Par ailleurs, pour répondre à l’attente de certains patients, il a été décidé de faciliter la mise à disposition des MDS préparés à partir de plasmas prélevés dans des pays à moindre risque d’exposition à l’ESB que la France et des produits recombinants lorsqu’ils existent. Cette mesure concerne le Facteur VIII, le Facteur VII, le Fibrinogène et l’Antithrombine III.

Ainsi, pour les Facteurs VIII, les produits suivants sont disponibles :

  • produits plasmatiques : Hemofil M (Baxter), Monoclate P (Aventis Behring), Factane (LFB),
  • produits recombinants : Recombinate (Baxter), Bioclate (Aventis Behring), Kogenate /Kogenate Bayer (Bayer), Helixate / Helixate NexGen (Aventis Behring) et Refacto (Wyeth Lederlé).

Il faut rappeler que le facteur VIII plasmatique préparé par le LFB, dont la marge de sécurité a été augmentée par nanofiltration (Factane), est disponible à partir de fin janvier 2001. D’autres produits seront nanofiltrés dans le courant de l’année 2001. Une information sur l’ensemble des produits autorisés est fournie sur le site internet de l’Afssaps.

Il appartient aux prescripteurs, qui disposent ainsi de la possibilité de prescrire les différents types de produits d’informer leurs patients sur les différentes alternatives thérapeutiques disponibles et de faire le choix avec eux du traitement le plus adapté à leur situation.

Je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, Cher confrère, l’expression de mes salutations les meilleures.

Philippe DUNETON