Le bon usage des traitements anticoagulants par antivitamines K (AVK)

08/01/2004

Madame, Monsieur et Cher Confrère,

En 1999, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a engagé un programme d'évaluation et de prévention des risques iatrogènes médicamenteux. La première action de sensibilisation a concerné les accidents hémorragiques provoqués par des anticoagulants Anti Vitamine K (AVK). En effet, une étude menée par les Centres Régionaux de Pharmacovigilance en 1998 a mis en évidence que 13 % des hospitalisations pour effets indésirables étaient liées à une hémorragie sous AVK, et que le nombre moyen d'hospitalisations pouvait être estimé à environ 17000 entrées par an.

En janvier 2001, l'Afssaps a réalisé une campagne d'information sur le risque hémorragique des AVK. L'étude d'impact de cette initiative montre qu'avec des moyens pertinents (lettre aux professionnels de santé accompagnée d'une mise au point, information internet), un grand nombre d'entre-vous a pu être sensibilisé.

Les résultats de deux études reconduites en 2003 auprès des biologistes et des pharmaciens d'officine pour évaluer la prescription et la surveillance du traitement par AVK en France, montrent la nécessité de réaliser à nouveau une campagne sur le bon usage des AVK.

Je vous rappelle les principales recommandations :

  • L'utilisation des AVK ne se conçoit que dans les indications validées et après évaluation individuelle du risque thrombotique et du risque de complication hémorragique, ainsi que des fonctions cognitives, du contexte psychologique et social du patient en raison des contraintes liées au traitement ;
  • L'INR est le seul test biologique de surveillance à utiliser : l'adaptation de dose s'effectue en contrôlant l'INR tous les 2 à 4 jours jusqu'à stabilisation sur 2 contrôles successifs. Quand l'INR cible est atteint et stabilisé, un contrôle doit être fait au moins une fois par mois ;
  • Les interactions médicamenteuses sont des facteurs de risque hémorragiques majeurs. Il est indispensable de vérifier toute co-prescription et de contrôler l'INR 3-4 jours après toute modification, mise en route ou arrêt d'un traitement associé. Toute prise d'aspirine et d'AINS, y compris les inhibiteurs sélectifs de la COX-2, doit être évitée ;
  • Tout patient doit être correctement et suffisamment informé et éduqué.

Pour vous aider dans la prise en charge des patients traités par AVK, un carnet d'information et de suivi destiné aux patients a été élaboré. Son utilisation est dorénavant recommandée dans l'AMM des spécialités concernées. Vous pourrez vous procurer les carnets destinés à vos patients, selon les modalités indiquées au verso du courrier.

Vous trouverez sur le site internet de l'Afssaps (www.afssaps.sante.fr) un dossier d'information actualisé sur les AVK comprenant notamment : la mise au point, le schéma commun à l'ensemble des autorisations de mise sur le marché (AMM) des spécialités AVK ainsi qu'un ensemble de questions/réponses " vous et votre traitement " à l'attention des patients.

La réduction de la iatrogénie médicamenteuse est une priorité de santé publique qui nécessite une maîtrise de l'information par le professionnel de santé comme par les patients.Pour que chaque patient en bénéficie, la mobilisation des médecins prescripteurs, des pharmaciens et des biologistes est nécessaire.

Je vous prie d'agréer, Madame, Monsieur et Cher Confrère, l'expression de ma considération distinguée.

Philippe Duneton

Principaux résultats des études menées en 2003 auprès des biologistes et des pharmaciens d'officine pour évaluer la prescription et la surveillance du traitement par AVK en France

  • un tiers des biologistes n'a pas connaissance de l'indication de l'AVK au moment de la mesure de l'INR, contre la moitié en 2000,
  • lorsque la zone thérapeutique est connue, la valeur de l'INR demeure en dehors de celle-ci dans 30% des cas,
  • le délai médian entre deux INR en phase d'équilibration est passé de 5 à 6 jours alors que le délai recommandé est de 2 à 4 jours. Un quart des patients en phase d'équilibre de traitement ne bénéficient pas d'une mesure d'INR au moins une fois par mois,
  • si 80% des patients se déclarent informés des risques du traitement, plus de la moitié ne connaissent toujours pas les signes annonciateurs d'un surdosage (INR supérieur à 5, saignement mineur ou signes indirects d'hémorragie interne),
  • plus de 40% des patients ignorent encore qu'ils doivent signaler leur traitement anticoagulant au pharmacien (versus 41% en 2000) et plus de 58% au biologiste (versus 61% en 2000),
  • plus de la moitié des patients ne sait pas que l'association du traitement AVK avec les AINS est déconseillée (54% en 2003 versus 62% en 2000).