Madame, Monsieur, Cher(e) confrère,
Les inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase reverse peuvent être responsables d’une toxicité mitochondriale d’expression multisystémique (pancréatique, hépatique, neuromusculaire et rénale) .
L’acidose lactique (pH 7.25, lactates 35 mmoles ), potentiellement fatale, est l’expression la plus grave de cette toxicité mitochondriale. Son délai d’apparition est variable de quelques mois à plusieurs années de traitement par INTI. En aucun cas, leur bénéfice dans le SIDA n’est remis en cause.
Chez l’adulte et l’enfant
Plusieurs alertes concernant la toxicité mitochondriale des INTI ont déjà été diffusées. Nous souhaitons insister à nouveau sur la nécessité d’être vigilant et de renforcer la surveillance pour détecter le plus rapidement possible l’apparition de signes cliniques annonciateurs d’acidose lactique.
Dans les quelques jours à quelques semaines précédant la survenue de l’acidose lactique, des manifestations digestives (nausées, vomissements, anorexie, douleurs abdominales, diarrhée), neuromusculaires (crampes musculaires, myalgies, paresthésie) sont observées. Plus tardivement, apparaissent une altération de l’état général (asthénie, perte de poids) et des manifestations respiratoires (dyspnée). |
Le passage d’une symptomatologie apparemment bénigne et faussement rassurante (survenant souvent chez des patients contrôlés au plan biologique avec des CD4>350/mm³) à une acidose lactique décompensée grave est le plus souvent brutal .
Certains facteurs de risque sont signalés :
- L’obésité
- Le sexe féminin
- Les situations pouvant augmenter les besoins énergétiques du fonctionnement de la chaîne respiratoire mitochondriale (intervention chirurgicale, infection, grossesse, traitements médicamenteux (voir section IV. Chez le patient co-infecté))
Compte tenu de la gravité de l’acidose lactique une fois déclarée, l’apparition de ces prodromes doit vous conduire :
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Chez la femme enceinte
Plusieurs cas d’acidose lactique, dont certains d’évolution fatale pour la mère et/ou pour l’nfant ont été rapportés chez des femmes enceintes traitées par INTI. Tous sont survenus au 3ème trimestre de la grossesse, chez des femmes traitées au long cours, particulièrement après administration d’une association comportant didanosine et stavudine. L’ensemble de ces données ne remet pas en cause l’intérêt de la prévention de la transmission materno-fœtale du VIH mais souligne la nécessité d’être vigilant et de prévoir si possible une prise en charge thérapeutique adaptée des femmes séropositives pour le VIH susceptibles d’être enceinte par une équipe multidisciplinaire.
Il est recommandé :
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Chez l’enfant séronégatif exposé in utero
Depuis le courrier de l’Afssaps du 24 juin 1999 portant sur le risque de dysfonctionnement mitochondrial chez les nouveau-nés séronégatifs exposés in utero et/ou en période néonatale aux INTI et les 8 premiers cas observés (Blanche S. et al, Lancet 1999), d'autres cas similaires ont été identifiés en France au sein de la cohorte ANRS mère-enfant (EPF4 ) et en dehors de la cohorte et font l'objet d'une analyse approfondie en collaboration avec le réseau de Pharmacovigilance. Les enfants présentent une symptomatologie essentiellement neurologique (hypertonie, convulsions, troubles du comportement et retard des acquisitions et du langage). La plupart des enfants présentent en outre des anomalies biologiques le plus souvent réversibles après l'arrêt du traitement (hématologiques et/ou biochimiques telles que l'hyperlactatémie) dont la signification clinique reste à déterminer.
Par ailleurs, des données récentes de l’Enquête Périnatale Française (EPF4 ) suggèrent une fréquence plus élevée de convulsions fébriles chez les enfants exposés aux antirétroviraux par rapport à la population générale (Blanche S. et al, Lancet 2002).
Tout enfant séronégatif pour le VIH ayant reçu des INTI in utero ou en période périnatale devrait bénéficier :
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L’ensemble de ces données souligne la nécessité d’être vigilant, en particulier concernant l’utilisation des polythérapies antirétrovirales, dont les risques pour l’enfant exposé in utero sont mal documentés à ce jour.
Chez le patient co-infecté VIH et VHC
Récemment, plusieurs cas d’acidose lactique ont été rapporté au sein d’essais cliniques, dans la littérature, et dans le système national de pharmacovigilance chez des patients co-infectés par VIH et VHC traités par INTI et ribavirine (associée à interféron a). Le traitement anti-hépatite C avait été introduit dans les mois qui précédaient. La ribavirine, qui est également un analogue nucléosidique, en association avec l’interféron a majorerait le risque de toxicité mitochondriale des autres INTI. Il est recommandé :
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Nous vous rappelons que devant toute suspicion d’effet indésirable, grave ou inattendu, il est indispensable de le signaler à votre Centre Régional de Pharmacovigilance (Liste et adresse des centres : www.afssaps.sante.fr .)
Nous vous remercions de votre collaboration et ne manquerons de vous tenir informé de l ‘évolution des connaissances sur ces questions.
Philippe DUNETON
Directeur général de l’Afssaps
- Retrovir® (AZT : zidovudine), Epivir® (3TC : lamivudine), Zerit® (D4T : stavudine), Videx® (DDI : didanosine), Hivid® (zalcitabine), Combivir® (zidovudine/lamivudine), Ziagen® (abacavir), Trizivir® (abacavir/zidovudine/lamivudine)
- Lettre sur la toxicité mitochondriale chez le nouveau-né en juin 1999 / Lettre sur l’acidose lactique chez l’adulte en Mai 1999 / Lettre sur l’acidose lactique chez la femme enceinte en Janvier 2001 / Lettre sur des cas de déficit neuromusculaires d’évolution ascendante rapide, évoquant un syndrome de Guillain Barré avec ou sans acidose lactique avec Zerit ® et Videx ® en Septembre 2001.
- Recommandations pour le prise en charge des personnes infectées par le VIH- Rapport 2002 sous la direction du Pr JF Delfraissy. Editions Médecine-Sciences Flammarion.
- EPF : Cohorte ANRS du suivi de femmes enceintes infectées par le VIH et de leurs enfants infectés ou non depuis 1986.