Pas d’argument en faveur d’un sur-risque de cancer du pancréas associé aux incrétinomimétiques chez les patients diabétiques de type 2 : une étude de l’ANSM - Point d'Information

14/12/2016
Une étude épidémiologique, menée par l’ANSM à partir des données de l’Assurance Maladie (SNIIRAM) pour investiguer un potentiel sur-risque de cancer du pancréas en lien avec les incrétinomimétiques, ne fournit pas d’argument en faveur de l’existence d’un risque spécifique de ces traitements antidiabétiques. Cette étude, qui a porté sur plus de 1,3 millions de patients atteints de diabète de type 2, est la plus vaste sur le sujet et elle vient confirmer les résultats de travaux précédents.

Les incrétinomimétiques, utilisés dans le traitement du diabète, regroupent deux familles de médicaments : les analogues du Glucagon-like peptide-1 (GLP-1) désignés sous le terme analogues du GLP-1, et les inhibiteurs de la dipeptidyl peptidase-4 (DPP-4) désignés sous le terme de gliptines.

Pour les deux familles d’incrétinomimétiques, un risque pancréatique a émergé en pharmacovigilance avec le signalement de cas de pancréatites aigües et de cancers du pancréas. Depuis 2008 en France, les incrétinomimétiques font l’objet d’un suivi national renforcé.

Suite à une évaluation européenne du risque pancréatique des incrétinomimétiques, l’Agence Européenne des Médicaments (EMA) a appelé à la mise en place de nouvelles études pour évaluer le risque à long terme, notamment en regard du cancer pancréatique.

Dans ce contexte, l’ANSM a mené une étude à partir des données du SNIIRAM afin de mesurer et caractériser l’association entre incrétinomimétiques et risque de cancer du pancréas parmi les patients atteints de diabète de type 2. L’étude a porté sur les affiliés au Régime Général de l’Assurance Maladie de 40 à 80 ans ayant un diabète de type 2 prévalent en 2010, suivis jusqu’au 31 décembre 2013.

Un total de 1 346 055 personnes (54 % d’hommes, âge moyen 63,8 ans) ont été incluses et suivies pendant 3,7 ans en moyenne. Au cours du suivi, 41,1 % ont reçu des gliptines et 7,2 % des analogues du GLP-1 commercialisés en France à cette période, et 3 113 cancers du pancréas sont survenus.

Le risque de survenue d’un cancer du pancréas est apparu 30 % plus élevé chez les personnes exposées aux gliptines. L’exposition aux autres antidiabétiques oraux (metformine, sulfamides notamment) était également associée à un risque de cancer du pancréas accru de 20 à 40 %.

En revanche, l’exposition aux analogues de la GLP-1, l’autre famille d’incrétinomimétiques disponibles par voie injectable, n’apparait pas associée au cancer du pancréas.

L’association entre gliptines et cancer du pancréas a été étudiée en détail. Il apparaît que cette association est particulièrement marquée peu après l’introduction des gliptines et décroit avec la durée d’exposition ainsi qu’avec la dose de traitement cumulée. Cette association ne diffère pas selon le type de gliptine considéré et elle n’est pas retrouvée pour les cancers autres que le cancer du pancréas.

L’hypothèse la plus plausible pour expliquer ces résultats, concordants avec ceux d’autres études épidémiologiques menées sur le sujet, est celle d’un phénomène de causalité inverse : l’initiation ou l’intensification d’un traitement par gliptines serait la conséquence d’un déséquilibre du diabète, lui-même dû à un cancer du pancréas non encore diagnostiqué, plutôt que la cause de ce cancer. En effet, l’apparition ou l’aggravation d’un diabète de type 2, situation clinique fréquente en diabétologie, peut, parfois, constituer le premier symptôme d’un cancer du pancréas avant même que celui-ci ne soit diagnostiqué avec l’apparition des symptômes habituellement évocateurs.

Cette étude, la plus vaste réalisée sur cette problématique à ce jour, ne fournit donc pas d’argument en faveur d’un risque spécifique des incrétinomimétiques vis-à-vis du risque de cancer du pancréas.

Un suivi plus long sera cependant nécessaire pour estimer le risque à plus long terme.

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