Statines et risque de diabète : le rapport bénéfice/risque reste toujours positif - Point d'Information

09/12/2014
Les statines sont une classe de médicaments utilisés, depuis la fin des années 80, pour réduire le taux de cholestérol dans le sang. En 2012, un effet diabétogène des statines avait été mis en évidence dans plusieurs méta-analyses. Une étude génétique récente met en évidence que cet effet est directement relié au mode d’action hypocholestérolémiant des statines.
Cette augmentation de survenue de diabète de type 2 ne remet pas en cause le rapport bénéfice/risque de cette classe thérapeutique dans la prévention des complications cardiovasculaires chez les sujets à risque, diabétiques ou non-diabétiques à l’initiation du traitement.

Les médicaments appartenant à la classe des statines sont des médicaments permettant de diminuer le taux de cholestérol dans le sang, en particulier le LDL-cholestérol, encore appelé "mauvais cholestérol". La présence de concentrations importantes de cholestérol dans le sang est associée à une augmentation du risque de maladie cardiaque (angine de poitrine, infarctus du myocarde) et d’accidents vasculaires cérébraux (attaques cérébrales).

Les statines sont commercialisées en France depuis la fin des années 80. Cinq statines sont actuellement commercialisées : la pravastatine, la simvastatine, l’atorvastatine, la rosuvastatine, la fluvastatine. Ces médicaments sont indiqués pour diminuer le taux de cholestérol dans le sang :

  • soit en prévention primaire (c’est-à-dire pour éviter un accident cardiovasculaire chez un sujet qui n’en n’a jamais été victime) chez des patients présentant des facteurs de risques cardiovasculaires (dont le diabète), lorsque les mesures hygiéno-diététiques ne suffisent pas à la diminution du taux de cholestérol
  •  soit en prévention secondaire chez des patients présentant des antécédents notamment d’infarctus du myocarde, d’insuffisance coronaire ou d’accident vasculaire cérébral.

En 2012, l’Agence européenne des médicaments (EMA) et l’Agence américaine FDA (Food and Drug Administration) ont initié une actualisation des résumés des caractéristiques des produits (RCP) et des notices des médicaments contenant une statine, en raison d’une augmentation du risque de survenue de diabète sous ce traitement mise en évidence dans plusieurs méta-analyses.[1]

Pour l’EMA, comme pour la FDA, cette augmentation du risque de survenue de diabète de 9 à 15% n’est pas de nature à remettre en question le rapport bénéfice/risque de cette classe thérapeutique qui reste positif dans la prévention cardiovasculaire selon les indications définies pour chacune de ces statines.

L’efficacité de ces médicaments a été démontrée aussi bien en prévention primaire que secondaire par de nombreuses études cliniques de grande ampleur qui ont permis d’établir que leur bénéfice est largement supérieur à leurs risques. Toutes statines confondues, le traitement permet de réduire le risque d’événement cardio-vasculaire de 15 à 23 % selon le type d’événement et de 10 % les risques de mortalité toutes causes.

La survenue d’un diabète lors d’un traitement par statines est, par ailleurs, favorisée par la présence de facteurs de risque pré-existants à la prescription[2] , à savoir :

  • une glycémie à jeun > 5,6 mmol/L
  • un index de masse corporelle (IMC) > 30 kg/m2
  • une augmentation des triglycérides  
  • des antécédents d’hypertension artérielle

En dehors de la survenue d’un diabète, une augmentation modérée de la glycémie et de l’HbA1c[3]  peut aussi être observée.

Cette augmentation du risque de survenue d’un diabète semble être directement liée au mécanisme d’action des statines qui inhibent une enzyme clé de la physiologie du cholestérol l’hydroxy-méthyl-glutaryl coenzyme A réductase (HMG-CoA-réductase). En effet, une nouvelle méta-analyse de 20 essais randomisés a pu analyser la survenue d’un diabète de type 2 chez plus de 120 000 patients au total. Ce risque est augmenté de 11% contre placebo et de 12% en cas de traitement intensif par statines par rapport à une dose moyenne[4] . Pour 1 000 patients traités pendant la durée de ces études cela correspond à environ 5 diabètes supplémentaires par rapport aux 50 nouveaux cas attendus.

Cette étude montre pour la première fois que deux polymorphismes du gène de l’HMG-CoA-réductase (rs17238484-G et rs12916-T) sont associés à une baisse des taux de LDL-cholestérol, un poids plus élevé, une insulinémie et une glycémie augmentées ainsi qu’une augmentation du risque de diabète. Autrement dit, de la même façon que ces polymorphismes sont associés à un risque diabétogène augmenté (indépendamment de la prise de statines), les statines qui sont de puissants inhibiteurs de l’HMG-CoA-réductase entraînent par cette action spécifique (responsable de la baisse du cholestérol) une augmentation de la glycémie.

Par ailleurs, l’ANSM  rappelle que les professionnels de santé doivent déclarer immédiatement tout effet indésirable suspecté d’être du à un médicament dont ils ont connaissance au centre régional de pharmacovigilance dont ils dépendent géographiquement.
Les patients et les associations agréées de patients peuvent également signaler tout effet indésirable à leur centre régional de pharmacovigilance.

Pour plus d’information : Déclarer un effet indésirable

[1]  Ceci a conduit à modifier la section 4.4. (Mises en garde spéciales et précautions d’emploi) des RCP par le paragraphe suivant : «Certaines données suggèrent que les statines en tant que classe pharmacologique, augmenteraient la glycémie. Chez certains patients à risque élevé de survenue d’un diabète, les statines peuvent entraîner une hyperglycémie nécessitant l’instauration d’un traitement antidiabétique. Ce risque est néanmoins compensé par la réduction du risque vasculaire sous statines et par conséquent il ne doit pas être un motif d’arrêt des statines. Les patients à risque (glycémie à jeun comprise entre 5,6 et 6,9 mmol/l, IMC > 30 kg/m², augmentation du taux des triglycérides, hypertension artérielle) devront faire l’objet d’une surveillance clinique et biologique conformément aux recommandations nationales ». Les notices pour les patients ont également été modifiées en conséquence.

[2]  CMDh/PhVWP/042/2012

[3]  L'hémoglobine glyquée (HbA1c) : hémoglobine A qui a fixé lentement et progressivement du glucose. Chez les patients diabétiques, cette fixation est plus rapide et plus importante. La mesure du taux d'HbA1c est utilisée pour analyser l'efficacité des traitements du diabète. C’est un indicateur de l’équilibre glycémique au cours des deux mois précédant l’analyse.

[4]  Swerdlow D et al. HMG-coenzyme A reductase inhibition, type 2 diabetes, and bodyweight : evidence from genetic analysis and randomized trials. Lancet September 24, 2014