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Dans le cadre du programme interministériel de R&D NRBC-E (nucléaire, radiologique, biologique, chimique et explosifs) confié au CEA en 2005 par le SGDSN [1], des chercheurs du CEA[2], de l’Institut Curie, du CNRS, de l’Afssaps[3], et de l’Université de Montpellier viennent de découvrir les premières molécules efficaces pour protéger contre la toxicité de la ricine et des toxines de type Shiga[4].Grâce au criblage d’une banque de composés chimiques, ils ont trouvé deux molécules capables de bloquer in vitro le transport de telles toxines dans la cellule. Par le biais d’études menées in vivo, les chercheurs ont montré qu’une de ces molécules, administrée de façon préventive, protège des souris de la toxicité de la ricine et permet leur survie. Ces résultats sont essentiels pour la lutte contre l’un des agents du bioterrorisme pour lequel aucun traitement n’est disponible à ce jour. Ils offrent également des perspectives pour traiter les complications des infections alimentaires à colibacilles, des shigelloses[5] et du cholera. Ils sont publiés en ligne par la revue Cell.
La lutte contre le bioterrorisme passe, entre autres, par l’avancée de la recherche sur les principaux agents biologiques à risque afin de développer des outils de détection et de décontamination ainsi que des traitements performants. Parmi les agents les plus surveillés, la ricine, classée agent biologique de catégorie B, a été impliquée dans des affaires d’intimidation, de meurtre politique, de bio-crime et de suicides. Ses effets sont généralement irréversibles et les symptômes apparaissent en quelques heures, conduisant à la mort de la personne exposée en trois à cinq jours. A ce jour, il n’existe pas d’antidote et le traitement est uniquement symptomatique.
Dans le but de trouver un traitement spécifique, et plus particulièrement des molécules capables d’inhiber la toxicité cellulaire de la ricine, les chercheurs ont réalisé un criblage de grande ampleur à partir d’une banque de 16 500 composés chimiques. Ils sont ainsi parvenus à isoler 2 molécules capables de bloquer l’effet toxique de la ricine sur les cellules. Pour comprendre les mécanismes entrant en jeu dans cette toxicité, ils ont étudié leur effet sur les mécanismes intracellulaires responsables du transport de la ricine et d’autres toxines à l’intérieur de la cellule. Les scientifiques ont montré que ces 2 molécules, appelées Rétro-1 et Rétro-2, sont capables de bloquer sélectivement le transport intracellulaire de ces toxines entre les endosomes précoces et l'appareil de Golgi. Ces deux compartiments cellulaires participent au processus de transport des molécules depuis l’extérieur vers l’intérieur des cellules, appelé transport rétrograde (voir schéma). A l'inverse d’autres molécules déjà connues pour leur capacité à bloquer le transport rétrograde, Rétro-1 et Rétro-2 respectent l'intégrité de l'appareil de Golgi. De plus, elles sont très spécifiques et ne bloquent pas le transport rétrograde des protéines essentielles au bon fonctionnement de la cellule. Elles n'affectent aucun autre de ses systèmes de transport et respectent l'intégrité de tous les organites impliqués dans le trafic intracellulaire. De ce fait, ces composés ne présentent pas de toxicité, ni pour les cellules ni pour les animaux. Dans des études réalisées in vivo, les chercheurs ont montré que l’une au moins de ces molécules, injectées avant une administration létale de ricine par voie nasale, protège totalement les souris exposées (passant de 15% de survie à 100 % pour la dose la plus forte de Rétro-2 utilisée).
Ces molécules sont les premières montrant une efficacité contre la toxicité de la ricine chez l’animal et présentent un fort potentiel thérapeutique. De plus, la portée de ces observations est beaucoup plus large que la lutte anti-terroriste. En effet, dans cette étude, les chercheurs ont également montré que ces molécules ont un effet sur le transport d’autres toxines, comme les toxines de Shiga et la toxine du choléra. Ces résultats ouvrent des pistes pour le développement de traitements contre le syndrome hémolytique et urémique lié aux toxines de Shiga, affection potentiellement mortelle due aux colibacilles, affectant notamment les enfants de moins de 3 ans.
Légende : Les toxines sont captées par la cellule puis transitent à travers une succession de compartiments cellulaires (endosomes, appareil de Golgi, réticulum endoplasmique) avant de pénétrer dans le cytoplasme où elles exercent leur toxicité. Les molécules Rétro-1 et Rétro-2 bloquent le transport des toxines entre les endosomes et l’appareil de Golgi. Cependant, le transport des protéines cellulaires à travers tous ces compartiments n’est pas perturbé.
[1]Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale
[2]Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, Institut de biologie et technologies de Saclay (iBiTec-S), Direction des sciences du vivant du CEA.
[3] Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), Direction des laboratoires et des contrôles.
[4]Toxine de Shiga : toxine produite par la bactérie Shigella qui provoque une maladie infectieuse de type dysentrie, appelée shigellose.
[5]Réference: Inhibition of retrograde transport protects mice from lethal ricin challenge. B. Stechmann, SK Bai, E. Gobbo, R. Lopez, G. Merer, S. Pinchard, L. Panigai, D. Tenza, G. Raposo, B. Beaumelle, D. Sauvaire, D. Gillet, L. Johannes, J. Barbier. Cell, online, 2010.
Contact presse
Damien Larroque – 01 64 50 20 97 – damien.larroque@cea.fr
Contact chercheur
Daniel Gillet – 01 69 08 76 46 – daniel.gillet@cea.fr
Ludger Johannes – 01 56 24 63 51 – ludger.johannes@curie.fr
Direction des sciences du vivant du CEA
La Direction des sciences du vivant (DSV) du CEA compte environ 1740 collaborateurs. Elle se structure autour de 8 instituts et d’un centre de recherche dédié situé à Fontenay-aux-Roses. La DSV est également responsable pour le CEA des programmes transverses Technologies pour la santé et Toxicologie. Ses équipes mènent une recherche de pointe dans différents domaines : radiobiologie, toxicologie nucléaire et environnementale, imagerie médicale, biologie à grande échelle, ingénierie des protéines, bioénergies, biotechnologies. www-dsv.cea.fr
Institut de biologie et de technologies de Saclay
L’institut de Biologie et de Technologies de Saclay (iBiTec-S) est un centre de recherche et de formation multidisciplinaire d’une cinquantaine d’équipes regroupant environ 450 personnes. L’iBiTec-S développe des projets de recherche fondamentale et/ou finalisée à l’interface de la biologie, la biophysique et la chimie. Ces recherches s’organisent autour de quatre grands axes transverses:
- physique et chimie aux frontières de la biologie
- génétique et physiologie moléculaire
- molécules innovantes et nano-objets pour la santé
- biotechnologies : développements et applications.
L’institut comprend une unité de recherche associée avec le CNRS et accueille en site propre trois partenaires industriels. www-dsv.cea.fr/instituts/institut-de-biologie-et-de-technologies-de-saclay-ibitec-s
Institut Curie
L’Institut Curie est une fondation reconnue d’utilité publique associant le plus grand centre de recherche français en cancérologie et deux établissements hospitaliers de pointe. Pionnier dans de nombreux traitements, cet ensemble hospitalier est référent pour les cancers du sein, les tumeurs pédiatriques et les tumeurs de l’œil. Il assure la diffusion d’innovations médicales et scientifiques aux niveaux national et international.
Fondé en 1909 sur un modèle conçu par Marie Curie et toujours d’avant-garde, « de la recherche fondamentale aux soins innovants », l’Institut Curie rassemble 3 000 chercheurs, médecins, soignants, techniciens et administratifs. www.curie.fr
Institut des sciences biologiques du CNRS
La mission de l'Institut des sciences biologiques du CNRS est de favoriser l'avancée des connaissances des mécanismes du vivant et d'allier l'excellence à l'innovation scientifique. Dans ce but, il soutient fortement des recherches de très grande qualité, non finalisées, préservant ainsi les savoir-faire dans les domaines de recherche les plus fondamentaux et favorise l'émergence des jeunes talents. (www.cnrs.fr/insb/)
Direction DLC de l'Afssaps
L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) est un établissement public de l'Etat placé sous tutelle du ministère chargé de la santé qui a pour mission de garantir la sécurité d’emploi, la qualité et le bon usage des produits de santé. Son activité d’évaluation, de contrôle et d’inspection est fondée sur une expertise de haut niveau permettant de rendre disponibles des produits de santé aussi sûrs que possible. L’Afssaps compte environ 990 personnes dont 210 travaillent à la direction des laboratoires et des contrôles (DLC), l’une des cinq directions opérationnelles de l’Afssaps. Elle apporte une expertise technique et scientifique indépendante sur la qualité et la sécurité d’emploi des produits de santé (médicaments chimiques et biologiques, produits sanguins labiles, produits de thérapie génique et cellulaire, tissus…), cosmétiques, dispositifs médicaux, biocides, produits de tatouage, ainsi que l’analyse de produits illicites et contrefaisants.