Traitement antirétroviral (inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse) visant à prévenir la transmission de la mère à l’enfant du virus du sida

24/06/1999

Des évènements, qui n’étaient pas connus jusqu’à présent, viennent d’être observés en France chez des enfants ayant été exposés, pendant la vie intra-utérine et après la naissance, à un traitement antirétroviral (inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse) visant à prévenir la transmission de la mère à l’enfant du virus du sida. Ces enfants sont atteints d’une anomalie de la mitochondrie*, un composant essentiel au fonctionnement de la cellule. Cette observation a conduit les autorités scientifiques, médicales et de sécurité sanitaire à entreprendre une série de recherches et des actions d’information, de sensibilisation et de vigilance.

En France, environ 1 000 femmes infectées par le VIH sont enceintes chaque année. Avant 1994, le taux de transmission du VIH de la mère à l’enfant était de 15 à 20 % en Europe et aux Etats-Unis. En 1994, l’essai ACTG 076/ANRS 024 a démontré que l’administration d’un inhibiteur nucléosidique de la transcriptase inverse, l’AZT, diminuait fortement (de près de deux tiers) le risque de contamination de l’enfant. Avec ce traitement, le taux de transmission est estimé aujourd’hui à moins de 5 %. Des bithérapies par les inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse, dont on sait qu’elles diminuent la charge virale plus fortement, et donc a priori le risque de transmission du virus de la mère à l’enfant, ont été récemment administrées à des femmes enceintes VIH+, aux Etats-Unis et en France. Ainsi, l’ANRS a-t-elle entrepris en février 1997, un essai destiné à évaluer la tolérance d’un traitement associant deux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (AZT + 3TC)**, administré pendant la grossesse, le 3TC étant délivré à partir de la 32ème semaine chez la mère et pendant les 6 premières semaines chez le nouveau-né. Cet essai, intitulé ANRS 075, visait également à évaluer la tolérance du traitement, le taux de transmission du virus à l’enfant ainsi que les éventuelles résistances à ces médicaments. Il a été mené chez 445 couples mère-enfant. Le taux de transmission dans les 200 premiers couples, dont les résultats ont été analysés à ce jour, est de 2,7 %.

En juillet 1998, le décès d’un enfant de 11 mois est rapporté : celui-ci présentait une maladie de la mitochondrie se traduisant par une atteinte neurologique sévère. En octobre 1998, un second cas est diagnostiqué chez un enfant qui présentait également une atteinte neurologique majeure. Celui-ci décède le mois suivant. Ces observations ont conduit à organiser très rapidement la recherche d’autres cas éventuels d’atteintes de la mitochondrie chez des enfants ayant reçu, in utero ou à la naissance, les mêmes médicaments ou la même classe de médicaments. Ce travail a été facilité par l’existence de la cohorte périnatale française qui regroupe des données sur plus de 5 000 mères séropositives et leurs enfants (voir encadré). A ce jour, 6 autres cas de mitochondriopathie ont été recensés (non-décédés), dont 4 ayant été exposés à l’AZT seul. Parmi ces cas, 3 enfants ont actuellement peu de symptômes cliniques. Aucun de ces enfants n’est contaminé par le virus du sida.

Les recherches se poursuivent chez les enfants ayant participé à l’essai ANRS 075 et plus largement au sein de la cohorte périnatale française. Une information a été diffusée auprès des médecins et services hospitaliers spécialisés dans laquelle il est précisé qu’en l’attente de résultats d’études plus approfondies, on ne peut conclure actuellement à une relation causale entre la survenue de pathologies mitochondriales et l’administration d’antirétroviraux. Il est cependant recommandé pour l’instant, de ne recourir aux multithérapies durant la grossesse que chez les femmes dont l’état de santé nécessite un traitement antirétroviral et dans certains cas particuliers. La prescription de l’AZT seul chez la femme n’est pas remise en question, éventuellement associée à une césarienne programmée, dont on sait qu’elle diminue le risque de transmission du virus chez l’enfant. Le dispositif spécifique de pharmacovigilance mis en place sous l’égide de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a par ailleurs été renforcé.

L’Afssaps a organisé, le 31 mai, une rencontre internationale au cours de laquelle des experts américains et européens ont confronté les données collectées dans les différents pays et discuté des observations françaises. Une analyse a été menée aux Etats-Unis sur plusieurs cohortes d’enfants nés de mères séropositives au VIH (14 000 enfants) pour étudier les cas d’enfants décédés. Dans ces études américaines, chez les enfants non-infectés, aucun décès, dans un tableau semblable à celui qui a été observé en France, n’a été retrouvé, que les mères aient reçu ou non des antirétroviraux durant la grossesse. Des investigations se poursuivent à la recherche de formes cliniques moins sévères tant aux Etats-Unis qu’en Europe. Les chercheurs américains ont également rapporté des résultats expérimentaux préliminaires indiquant qu’il existe des anomalies mitochondriales chez des singes nouveaux-nés de mères auxquelles l’AZT a été administré durant la grossesse.

L’ensemble des experts a reconnu que les cas français relevaient bien d’une atteinte mitochondriale ; que la responsabilité des antirétroviraux dans la survenue de ces cas était possible mais non prouvée.

La cohorte périnatale française

La cohorte française est une initiative originale par son ancienneté et son exhaustivité. C’est une des plus importantes en nombre. Elle permet, depuis 1986, l’étude de nouveaux-nés de mères séropositives pour le VIH-1 et VIH-2. Environ 5 000 couples mère-enfant y sont inclus, parmi lesquels 1 700 ont reçu un traitement préventif de la transmission materno-fœtale.

Elle est coordonnée par Stéphane Blanche (Hôpital Necker -AP-HP, U 429 INSERM), Marie-Jeanne Mayaux (U 292 INSERM), et Christine Rouzioux (Hôpital Necker) et reçoit le soutien de l’ANRS (l’Agence est promoteur de cette cohorte).

Contacts presse :

  • Christine Ferran (cellule information/communication de l’ANRS) 01 53 94 60 33 – c.ferran@anrs.imaginet.fr
  • Henriette Chaibriant (service de communication de l’Afssaps) 01 55 87 30 18
  • Nathalie Christophe (bureau de presse de l’INSERM) 01 44 23 60 97 – E-mail : christophe@tolbiac.inserm.fr

* Des anomalies mitochondriales d’origine génétique peuvent être observées en dehors du contexte de l’infection à VIH, avec une fréquence difficile à estimer (entre 1/10 000 et 1/50 000 naissances).
** AZT = zidovudine = Retrovir® ; 3TC = lamivudine = Epivir®