Corticoïdes inhalés dans le traitement de la BPCO, réévaluation de ZYDELIG (idélalisib) et des produits de contraste contenant du gadolinium, évaluation des antiviraux d’action directe de l’hépatite C au regard du risque de réactivation du VHB : retour d’information sur le PRAC du mois de mars
Lors de sa réunion mensuelle, du 14 au 17 mars 2016 à Londres, le Comité pour l’Evaluation des Risques en matière de Pharmacovigilance (PRAC) de l’Agence européenne des médicaments (EMA) a finalisé l’évaluation de l’impact du risque de pneumonie sur le traitement de la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) par corticoïdes inhalés. Le Comité a démarré la réévaluation du rapport bénéfice/risque de ZYDELIG (idélalisib) ainsi que celle des produits de contraste contenant du gadolinium. Il a démarré une évaluation visant à signaler dans le RCP des antiviraux d’action directe indiqués dans le traitement de l’hépatite C, le risque de réactivation du virus de l’hépatite B chez les patients co-infectés.
Finalisation de l’évaluation de l’impact du risque de pneumonie sur le traitement de la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) par corticoïdes inhalés
En France, la béclométhasone, le budésonide ou la fluticasone, corticoïdes inhalés sont largement utilisés, uniquement en association avec les bronchodilatateurs, dans le traitement de la BPCO, une maladie pulmonaire chronique au cours de laquelle les voies respiratoires et les alvéoles pulmonaires sont endommagées.
Le risque de survenue de pneumonie lors d’un traitement par corticoïde inhalé chez les patients atteints de BPCO est connu et a déjà été revu en 2007 à la suite de la publication d’une étude[1] ayant montré que les patients traités par corticoïdes inhalés avaient plus de risque de développer une pneumonie que ceux traités par placebo.
Depuis cette évaluation, de nouvelles données, notamment des méta-analyses, sont disponibles. Par conséquent, le PRAC a démarré, à l’initiative de la Commission européenne, une évaluation de classe afin d’évaluer l’impact de ce risque de pneumonie sur le rapport bénéfice/risque des corticoïdes inhalés utilisés dans la BPCO et afin de déterminer si des modifications de l’information produit et des recommandations complémentaires devraient être mises en place pour encadrer ce risque.
L’analyse des données disponibles a permis de confirmer que les patients traités par corticoïdes inhalés pour leur BPCO présentent un risque de survenue de pneumonie. En revanche, à ce jour, aucune donnée clinique ne permet de mettre en évidence une éventuelle différence de risque entre les différentes substances au sein de la classe. Par conséquent, la pneumonie demeure un risque commun à l’ensemble des corticoïdes utilisés par voie inhalée dans cette indication.
Les résumés des caractéristiques du produit (RCP) et notices de tous les produits concernés par cette revue vont être mis à jour pour refléter ce risque de façon harmonisée pour l’ensemble de la classe. Il sera également rappelé que les médecins et les patients traités doivent être vigilants sur les signes et symptômes évoquant une pneumonie, d’autant plus que les signes cliniques de pneumonie peuvent ressembler à ceux d’une exacerbation de la pathologie traitée.
Certains des médicaments inclus dans cette procédure d’arbitrage étant autorisés selon une procédure d’enregistrement européenne centralisée, la recommandation du PRAC sera discutée au CHMP qui adoptera une opinion, qui sera ensuite transmise à la Commission européenne pour décision finale.
Dans l’attente de la finalisation de la procédure et de la mise à jour des documents, l’ANSM rappelle l’importance de n’utiliser la corticothérapie inhalée chez les BPCO uniquement en association avec les bronchodilatateurs et selon les modalités définies par les résumés des caractéristiques des produits AMM et de rester vigilant en cas d’exacerbations fébriles. |
Démarrage de la réévaluation du rapport bénéfice/risque de ZYDELIG (idélalisib)
ZYDELIG (idélalisib) est un médicament anti-cancéreux bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché centralisée depuis 2014.
Il est indiqué en association au rituximab pour le traitement de patients adultes atteints de leucémie lymphoïde chronique (LLC) :
- ayant reçu au moins un traitement antérieur ou
- comme traitement de première intention chez les patients présentant une délétion 17p ou une mutation TP53 et pour lesquels une chimio-immunothérapie n’est pas appropriée.
ZYDELIG est également indiqué en monothérapie pour le traitement de patients adultes atteints de lymphome folliculaire (LF) réfractaire à deux lignes de traitement antérieures.
A la suite de l’observation récente dans trois essais cliniques d’une augmentation de la mortalité, principalement pour cause d’infections à type de pneumonie à pneumocytis et d’infection par le CMV, et de l’incidence des événements indésirables graves dans les 6 premiers mois de traitement chez les patients traités par idélalisib comparativement aux patients du groupe contrôle, le laboratoire a décidé d’arrêter prématurément quatre essais cliniques de phase 3 et une essai clinique de phase 2 actuellement en cours dans le traitement de la leucémie lymphoïde chronique en 1ère ligne et dans le lymphome non hodgkinien indolent et le lymphome lymphocytaire en 2ème ligne. Les investigateurs de tous les essais cliniques en cours impliquant ZYDELIG en ont été informés.
Au vu de ces données récentes, et bien qu’elles soient en relation avec des utilisations non autorisées en Europe à ce jour, le PRAC a débuté, à l’initiative de la Commission européenne (article 20), une revue des données disponibles afin d’évaluer si celles-ci ont un impact sur le rapport bénéfice/risque de ZYDELIG dans ses indications actuelles.
Les rapporteurs et corapporteurs désignés pour cet arbitrage sont le Royaume-Uni et la Suède.
Dans l’attente des conclusions de cette revue, et à titre de précaution, le PRAC a recommandé la mise en place immédiate de mesures complémentaires :
- débuter chez tous les patients traités par ZYDELIG une prophylaxie contre les infections à Pneumoncystis jirovecii
- surveiller la numération formule sanguine. En cas de survenue d’une neutropénie modérée ou sévère, le traitement par Zydelig doit être interrompu, en accord avec les recommandations d’interruption de traitement telles que mentionnées dans le RCP)
- surveiller chez les patients, les signes et symptômes d’infection ou tout signe respiratoire
- effectuer si possible une surveillance clinique et biologique (PCR) régulière pour les infections à CMV
- ne pas démarrer idélalisib chez les patients présentant des signes d’infection systémique d’origine bactérienne, fongique ou virale
- ne pas débuter de nouveaux traitements en 1ère ligne par idélalisib chez les patients atteints de LLC et présentant une délétion 17p ou une mutation TP53
- revoir attentivement le rapport bénéfice/risque individuel pour les patients présentant une délétion 17p ou une mutation TP53 déjà sous traitement, afin de décider de la poursuite ou non du traitement. Si le traitement est poursuivi, les mesures de surveillance mentionnées ci-dessus doivent être appliquées.
Enfin, un traitement par l’idélalisib peut continuer à être utilisé d’une part en association exclusivement avec le rituximab dans le traitement de la LLC chez les patients ayant déjà reçu une 1e ligne de traitement, d’autre part en monothérapie dans le lymphome folliculaire réfractaire à 2 lignes de traitement.
Ces recommandations feront rapidement l’objet d’une information spécifique auprès des prescripteurs.
Les premières discussions au PRAC sont prévues en juin.
Dans l’attente des conclusions de la revue du PRAC, l’ANSM incite à suivre dès à présent, et à titre de précaution, les recommandations supplémentaires mises en place concernant la surveillance des patients actuellement traités par ZYDELIG et la nécessité de ne pas débuter de nouveaux traitements chez les patients atteints de LLC et présentant une délétion 17p ou une mutation TP53. |
Démarrage de la réévaluation du rapport bénéfice/risque des produits de contraste contenant du gadolinium
Les produits de contraste contenant du gadolinium sont utilisés comme produits diagnostiques afin d’améliorer le contraste des images lors des procédures d’IRM. Ils sont administrés avant ou pendant l’IRM.
Les données animales et cliniques actuellement disponibles montrent que le gadolinium s’accumule dans les tissus, notamment le foie, les reins, les muscles, la peau et les os. Plusieurs articles de la littérature ont récemment montré que le gadolinium s’accumule également dans le cerveau. Après discussion de ces articles au PRAC de janvier, et bien qu’aucun cas d’effet indésirable en lien avec ces dépôts dans le cerveau n’a été identifié à ce jour, le comité a jugé nécessaire de revoir attentivement ces données et le profil global de sécurité de ces produits de contraste.
Par conséquent, le PRAC vient de démarrer, en accord avec la Commission européenne (article 31), une revue des données disponibles sur l’accumulation du gadolinium dans les tissus et ses conséquences cliniques, afin de déterminer si celle-ci a un impact sur le rapport bénéfice/risque de ces produits utilisés pour l’imagerie IRM.
Les premières discussions au PRAC sont prévues en juin.
Dans l’attente des conclusions de la revue, l’ANSM rappelle l’importance d’utiliser ces médicaments selon les informations contenues dans leur RCP.
Démarrage d’une procédure d’évaluation visant à signaler dans les RCP des antiviraux d’action directe de l’hépatite C [daclatasvir (DAKLINZA), dasabuvir (EXVIERA), sofosbuvir/ledipasvir (HARVONI), simeprevir (OLYSIO), sofosbuvir (SOVALDI), ombitasvir/paritaprevir/ritonavir (VIEKIRAX)] le risque pour certains patients co-infectés par le VHB d’une réactivation du virus de l’hépatite B
La stratégie thérapeutique du traitement de l’hépatite C a évolué depuis quelques années avec notamment le développement et la mise à disposition de nouveaux antiviraux, les antiviraux d’action directe. Ils constituent une avancée thérapeutique importante dans la prise en charge des patients infectés par le virus de l’hépatite C et permettent des schémas de traitement sans interféron. Chez certains patients co-infectés par le virus de l’hépatite C et de l’hépatite B, le risque de réactivation du virus de l’hépatite B lors d’un traitement du virus de l’hépatite C est un phénomène connu, pris en compte dans les recommandations thérapeutiques. Cependant, ce risque pourrait être accru avec les antiviraux d’action directe de l’hépatite C, du fait de leur action plus puissante sur le virus C et de l’absence d’impact sur le virus B contrairement à l’Interféron.
Ainsi, la littérature rapporte des cas d’augmentation de charge virale du virus B après la diminution rapide de la charge virale C chez les patients traités par ces schémas thérapeutiques n’incluant plus l’interféron. Par conséquent, le PRAC a débuté, à l’initiative de la Commission européenne (article 20), une évaluation des données existantes sur cet aspect afin d’envisager une mise à jour des Résumés des Caractéristiques des antiviraux d’action directe avec des mesures de réduction du risque.
Les rapporteurs et corapporteurs désignés pour cette évaluation sont le Portugal et l’Espagne.
Les premières discussions au PRAC sont prévues en juin.
Dans l’attente des conclusions de la revue, l’ANSM souligne l’importance de prendre en compte le risque de réactivation du virus de l’hépatite B chez les patients co-infectés traités pour leur hépatite C.
Lire aussi
[1] Calverley PM, Anderson JA, Celli B, Ferguson GT, Jenkins C, Jones PW, et al. Salmeterol and fluticasone propionate and survival in chronic obstructive pulmonary disease. The New England journal of medicine 2007;356(8):775-89.