Allopurinol et risques de survenue d’atteintes cutanées graves : rappels des précautions d’emploi et des règles de bon usage - Point d'information

25/02/2013
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L’allopurinol (inhibiteur de la xanthine oxydase) est notamment indiqué dans le traitement des hyperuricémies symptomatiques et dans le traitement de la goutte. Il s’agit d’un produit ancien, commercialisé depuis plus de 40 ans. Il est connu comme étant la première cause de toxidermies bulleuses graves en Europe et l’un des premiers pourvoyeurs de syndromes d’hypersensibilité médicamenteuse (DRESS - drug rash with eosinophilia and systemic symptoms).
La persistance de signalements d’effets indésirables cutanés graves a conduit l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) à analyser les observations qui lui ont été transmises sur une période récente (2008-2010). Au total, plus de la moitié des cas signalés au cours de ces 3 ans - soit 60 % d’entre eux - étaient jugés évitables du fait d’une indication non justifiée.
L’Agence souhaite donc rappeler, au travers d’une lettre diffusée aux professionnels de santé, la nécessité de bien respecter les indications de l’allopurinol, notamment, de ne pas instaurer ce traitement en cas d’hyperuricémie asymptomatique, d’augmenter progressivement les posologies d’allopurinol lors de son instauration et d’informer les patients de la nécessité d’arrêter immédiatement le traitement par allopurinol en cas de survenue d’une éruption cutanée ou d’autres signes d’hypersensibilité.
Rappels

L’allopurinol est indiqué dans le traitement des hyperuricémies symptomatiques primitives ou secondaires (hémopathies, néphropathies, hyperuricémie iatrogène) et dans le traitement de la goutte (goutte tophacée, crise de goutte récidivante, arthropathie uratique). Il est également indiqué dans le traitement des hyperuricuries et hyperuraturies ainsi que pour le traitement et la prévention de la lithiase urique. Il est enfin indiqué dans la prévention des récidives de lithiase calcique chez les patients hyperuricémiques ou hyperuricuriques, en complément des précautions diététiques habituelles portant, notamment, sur les rations protidiques et calciques.
L’allopurinol est connu pour être à l’origine de syndromes d’hypersensibilité et de réactions cutanées, en particulier de toxidermies bulleuses graves1 . Une communication de l’Agence en mars 1999 avait porté sur l’analyse rétrospective de cas de syndromes d’hypersensibilité et de réactions cutanées, recueillis entre janvier 1993 et décembre 1997 via le système national de pharmacovigilance ; elle rappelait cette dangerosité, préalablement inscrite dans le Résumé des Caractéristiques du produit (RCP). Elle précisait également la gravité potentielle de ces manifestations, en particulier chez les insuffisants rénaux, information qui avait alors été ajoutée dans le RCP.

Une nouvelle communication de l’Agence sous-tendue par une seconde enquête de pharmacovigilance

La persistance des signalements d’effets indésirables cutanés graves a conduit l’ANSM à réaliser une nouvelle analyse des observations rapportées par le système national de pharmacovigilance sur une période de 3 ans (2008-2010).

Il ressort de cette étude qu’une incidence élevée de toxidermies graves à l’allopurinol est toujours rapportée (dont des syndromes de Lyell, de Stevens-Johnson et DRESS), avec une prédominance féminine. Ces événements surviennent le plus souvent au cours des deux mois suivant l’instauration du traitement avec parfois une issue fatale. Par ailleurs, le non-respect des recommandations d’adaptation posologique à la fonction rénale dans près de la moitié des cas et une utilisation hors AMM du médicament ont été observés.
Il est également noté que la prise en charge de ces complications est souvent retardée du fait d’une méconnaissance de ce risque par les professionnels de santé.
Au total, 60 % des cas signalés étaient jugés évitables en raison d’une indication non justifiée.

Aussi, par cette nouvelle information, l’Agence rappelle aux professionnels de santé la nécessité de :

  • respecter les indications de l’allopurinol et donc ne pas instaurer de traitement en cas d’hyperuricémie asymptomatique,
  • mettre en œuvre les nouvelles recommandations d’augmentation progressive de la posologie d’allopurinol lors de son instauration et ce chez tous les patients quelle que soit leur fonction rénale,
  • adapter la posologie usuelle en fonction de l’uricémie qui doit être régulièrement contrôlée,
  • connaître et informer les patients du risque de survenue de réactions cutanées graves, incluant syndromes de Lyell, de Stevens-Johnson et DRESS. Ces toxidermies surviennent le plus souvent dans les deux mois qui suivent l’instauration du traitement,
  • informer les patients de la nécessité d’arrêter immédiatement le traitement par allopurinol en cas de survenue d’une éruption cutanée ou d’autres signes d’hypersensibilité, avant même une consultation médicale. Un avis médical doit être pris rapidement, l’arrêt précoce du traitement étant à l’origine d’un meilleur pronostic de ces effets indésirables.

Des informations complémentaires ont d’autre part été ajoutées au Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP) (25/02/2013) application/pdf (63 ko)et sur la notice de ce médicament.

L’ANSM rappelle que les professionnels de santé doivent déclarer immédiatement tout effet indésirable suspecté d’être dû à un médicament dont ils ont connaissance au centre régional de pharmacovigilance dont ils dépendent géographiquement et dont les coordonnées sont disponibles sur le site Internet de l’ANSM.

Les patients et les associations agréées de patients peuvent également signaler tout effet indésirable à leur centre régional de pharmacovigilance.

[1] Les syndromes de Lyell et de Stevens-Johnson sont regroupés sous le registre des nécrolyses épidermiques toxiques, maladies dermatologiques aigües très graves majoritairement causées par la prise de médicaments et caractérisées par une destruction brutale de la couche superficielle de la peau et des muqueuses. Le syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse (DRESS) survient quant à lui 2 à 6 semaines après une prise médicamenteuse. Cliniquement, il s’agit d’une éruption fébrile pouvant associer un œdème du visage ou des extrémités, une érythrodermie (éruption cutanée rouge généralisée), des poly adénopathies périphériques et une atteinte viscérale, l’atteinte muqueuse étant rare.