Vente de médicaments sur Internet - Point d'information

14/10/2010
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L’achat de médicaments sur Internet expose à de nombreux risques pour la santé et peut favoriser le mauvais usage des médicaments. En conséquence, l’Afssaps déconseille vivement ce mode d’achat car seul le circuit pharmaceutique offre les garanties nécessaires de sécurité et de fiabilité, notamment parce-qu’il est régulièrement contrôlé par les autorités sanitaires. Depuis 2006, l’Afssaps met en place des campagnes d’information sur ce thème. Dans la continuité de ces actions, elle participe depuis 2009 à l’opération Pangéa, Cette opération annuelle internationale coordonnée par Interpol et l’OMS est destinée à lutter contre la vente illicite de médicaments sur Internet. L’Afssaps procède également depuis fin 2009, à des achats de produits de santé sur Internet pour en évaluer la qualité et signaler des sites illicites aux cyberpoliciers et cyberdouaniers. L’analyse en laboratoire de ces produits a permis de mettre en évidence des non conformités majeures qui peuvent mettre en danger la santé des patients.

Contexte et surveillance

En France, les autorités sanitaires contrôlent l’intégralité de la chaine qui va de la fabrication du médicament à la distribution en pharmacie. La vente de médicaments n’est actuellement autorisée que dans les 22500 officines présentes sur le territoire français. De nombreux sites Internet proposent cependant l’achat de médicaments, qu’il est très difficile de quantifier en raison de l’hébergement de ces sites en dehors du territoire national et de livraisons intervenant directement au domicile.
Selon l’OMS, près de 50% des médicaments vendus via Internet seraient des contrefaçons. Outre les contrefaçons de médicaments, un grand nombre de produits falsifiés circule sur Internet (produits répondant à la définition du médicament de par leur composition ou leur indication).

Le vendeur exerce illégalement la profession de pharmacien et encoure par conséquent la sanction de 2 ans d'emprisonnement et 30 000 € d'amende.
Le consommateur prend le risque de mettre sa santé en danger.
La lutte contre l’achat de médicaments sur Internet repose principalement sur des campagnes d’information et sur des actions coordonnées au niveau international.

Entre 2001 et 2008, une quarantaine de cas de pharmacovigilance liés à la prise de médicaments achetés sur Internet ont été déclarés à l’Afssaps. Sur 38 cas recensés, 11 concernaient des achats de produits amaigrissants, 3 des anabolisants stéroïdiens, 8 des produits stimulants ou défatigants, notamment à base d’hormones (DHEA, Mélatonine, Prégnénolone…).

Des actions mises en œuvre pour lutter contre l’achat et la vente de médicaments sur Internet

Depuis 2006, l’Afssaps publie des mises en garde vis-à-vis des consommateurs, en particulier sur les risques liés à l’achat de médicaments sur Internet. Des messages clés rappellent que la provenance des produits proposés sur les sites Internet est inconnue, que leur authenticité et leur qualité ne sont pas garanties, et que l’achat d’un médicament sur Internet favorise le risque de mauvais usage. En 2007, l’Afssaps a travaillé avec le Conseil National de l’Ordre des Pharmaciens dans la lutte contre la contrefaçon des médicaments. Cette démarche conjointe a donné lieu à la diffusion du guide « Médicaments et contrefaçon » à 72000 pharmaciens français, accompagné d’un dépliant d’information destiné aux patients.

En 2009, consciente de l’enjeu de santé publique, l’Afssaps a ouvert sur son site Internet une rubrique consacrée à la falsification des produits de santé  qui rappelle les messages clés et propose des listes de produits circulant sur Internet, revendiquant des effets bénéfiques pour la santé mais contenant des substances dangereuses.

En parallèle, à partir de 2009, l’Afssaps s’est inscrite dans l‘opération internationale « Pangea », coordonnée par Interpol et l’Organisation Mondiale de la Santé (Groupe IMPACT) et destinée à lutter contre l’achat de médicaments sur Internet. L’Afssaps a participé aux opérations menées en novembre 2009 et en octobre 2010 simultanément dans 24 pays. Pour la France, les actions coordonnées par l’OCLAESP (Office Central de Lutte contre les Atteintes à l’Environnement et à la Santé Publique) en partenariat avec l’Afssaps, ont aussi impliqué les services de la police, de la gendarmerie nationale et des douanes.

L’objectif général de l’opération repose sur l’identification de personnes (particuliers ou identifiés à partir de locaux commerciaux) en situation illicite de vente via Internet de médicaments soumis à prescription médicale obligatoire ou susceptibles d’être de faux médicaments. Cette opération donne également lieu à la mise en place d’actions judiciaires adaptées.
En 2010, l’opération Pangea III s’est déroulée du 5 au 12 octobre. Cette opération a notamment permis d’identifier 164 sites Internet illégaux de vente de médicaments, dont 19 rattachés à la France. Parmi ceux-ci, 11 ont déjà été fermés, et les informations concernant les 145 autres sites Internet localisés à l’étranger ont été transmises à Interpol pour poursuivre les investigations dans les pays concernés. Elle a également permis de réaliser 8 procédures judiciaires et d’initier plusieurs enquêtes pour continuer les investigations.

Une nouvelle étape pour l’Afssaps : l’achat de médicaments sur Internet et le contrôle en laboratoire

 
L’Afssaps a élaboré un protocole pour évaluer la composition de certains médicaments potentiellement dangereux vendus sur Internet. Dans ce cadre, l’Afssaps a fait procéder à l’achat de médicaments sur Internet. Ces médicaments ont ensuite fait l’objet d’analyses qualitatives et quantitatives dans les laboratoires de l’Afssaps.

Parmi les 17 produits achetés, 5 étaient vendus comme des compléments alimentaires à visée amaigrissante et 12 étaient présentés comme des médicaments, donc susceptibles d’être contrefaits (antiviraux, antipsychotiques, médicaments contre l’obésité).

3 des 5 produits vendus comme des compléments alimentaires contiennent une ou plusieurs substances pharmacologiquement actives et répondent à la définition du médicament. Parmi ces substances, les analyses ont notamment montré la présence de sibutramine, inscrite sur la liste des substances vénéneuses qui entre dans la composition d’un médicament nécessitant une surveillance particulière du patient. Il faut noter aussi que 4 de ces produits contiennent de la caféine à des concentrations beaucoup plus élevées que celle recommandée en France.

Les analyses des produits présentés comme des médicaments montrent une hétérogénéité dans les résultats. Ils contiennent tous effectivement des substances actives, telle que la sibutramine ou des antibiotiques. Certains ne contiennent néanmoins pas la substance ou la quantité annoncée sur l’emballage. (Résultats complets en annexe 1).

L’analyse des produits achetés par l’Afssaps sur Internet confirme donc les dangers pour les consommateurs et la nécessité des mises en garde réitérées par l’Afssaps. Internet propose des médicaments non autorisés ou dont l’AMM a été retirée pour des raisons sanitaires. On trouve également des pseudo génériques ou des médicaments faisant l’objet d’une falsification notamment au niveau de leur composition.

Enfin, d’une manière générale, tous les signalements relatifs à des sites de vente illicite de médicaments sur Internet font l’objet d’une transmission aux services spécialisés dans la cyberdélinquance de la police, de la gendarmerie et des douaniers et aux autorités judicaires.

Perspectives

 Les produits de santé vendus sur Internet sont de qualité variable et totalement aléatoire. L’achat de médicament sur Internet est aujourd’hui une pratique dangereuse qui expose l’acheteur à de nombreux risques pour sa santé.
L’Afssaps va continuer sa campagne d’achat de médicaments sur Internet et d’analyses en laboratoires afin de mieux connaître le type et la qualité des produits qui circulent sur ce réseau. Au fil des nouvelles informations recueillies, la rubrique du site internet de l’Afssaps dédiée à ce thème sera alimentée pour alerter au mieux les consommateurs.

En 2003, dans l’arrêt « Doc Morris », la Cour de Justice des communautés européennes (CJCE) prenait position sur la vente de médicaments sur Internet et plus précisément sur le commerce transfrontalier de médicaments via Internet.
En résumé, cet arrêt de la CJCE du 11 décembre 2003 a disposé qu'un Etat ne pouvait empêcher la vente par correspondance de médicaments, non soumis à prescription, réalisée par un pharmacien et autorisés dans le pays où ils sont commercialisés. La CJCE se montre donc favorable au commerce électronique, lorsque le médicament ne présente pas de risques particuliers pour la santé et a été conçu pour être utilisé sans l’intervention d’un médecin (les médicaments à prescription facultative).

Une adaptation de la réglementation française, qui pourrait conduire à autoriser dans un cadre contrôlé des « cyberpharmacies » adossées à des pharmacies d’officine, est actuellement à l’étude sous l’égide du Ministère de la Santé.

Annexe 1

Résultats des contrôles réalisés sur les produits achetés sur internet par l’Afssaps

Compléments alimentaires

Fabricant ou Distributeur

Conclusions analytiques

LI DA DAI DAI HUA Inconnu NON CONFORME
Présence de sibutramine non mentionnée sur l’étiquetage.
Médicament par fonction
VENOM HYPERDRIVE 3.0+ Alr Industries (Las Vegas) NON CONFORME
Présence de sulbutiamine.
Médicament par fonction
METABODRENE 356 National Institute For Clinical Weight Loss (Birmingham) NON CONFORMEPrésence de synéphrine, yohimbine.
Médicament par fonction
RONAXIL Samda L.L.C. (Miami) NON CONFORME
caféine : dose quotidienne > 200 mg/jour
ZANTREX-3 Zoller Laboratories NON CONFORME
caféine : dose quotidienne > 200 mg/jour

Médicaments

Fabricant ou distributeur dont les spécialités pharmaceutiques sont détournées sur Internet

Conclusions analytiques

OLEANZ'5 Sun Pharmaceuticals Industries NON CONFORMEAbsence d’AMM
Olanzapine : liste 1 substance vénéneuse
ZYPREXA VELOTAB 5 MG Eli Lilly Nederland B.V. CONFORME*
REDUCTIL 10 MG Hartkapseln Abbott International (Angleterre) NON CONFORME
absence d’AMM
Sibutramine : liste 1 des substances vénéneuses
RIOMONT (RIMONABANT) 20 mg Laboratoire CIPLA NON CONFORMEAbsence d’AMM
Rimonabant : liste 1 substance vénéneuse
TM-FLU 75 mg TRYDRUGS PHARMACEUTICALS (Provenance Inde) NON CONFORME
Absence d’oseltamivir, présence d’un antibiotique non mentionné : cloxacilline : liste 1 substance vénéneuse.
ANTIFLU 75 MG Laboratoire Cipla NON CONFORME
Absence d’AMM
Oseltamivir : liste 1 substance vénéneuse
TAMIFLU 75 MG hartkapseln Laboratoire Roche Allemagne CONFORME*
TAMIFLU 75 MG capsules, hard Laboratoire Roche UK CONFORME*
TAMIFLU 75 MG capsules, hard Laboratoire Roche UK
TAMIFLU 75 MG capsules, hard Laboratoire Roche UK
TAMIFLU 75 MG capsules, hard Laboratoire Roche UK
TAMIFLU 75 MG capsules, hard Laboratoire Roche UK

* Conforme : par rapport à la teneur en substance active et à la présence d’impuretés dans celles-ci.

Principales substances actives mises en cause

 Sibutramine -  Substance inscrite sur la liste I des substances vénéneuses qui entre dans la composition d’une spécialité pharmaceutique autorisée en France, Sibutral®  10 mg des laboratoires Abbott, médicament soumis à prescription médicale et nécessitant un suivi régulier des patients en raison du risque de survenue d’effets indésirables.
L’évaluation de nouvelles données a récemment conduit l’Agence européenne des médicaments (EMA) à recommander à la Commission Européenne la suspension de l’AMM des spécialités contenant de la sibutramine.

 Caféine - Substance psychostimulante qui a pour principaux effets d’accélérer le rythme cardiaque. Une consommation trop importante de caféine peut notamment être à l’origine de troubles cardiovasculaires, respiratoires et gastro-intestinaux. Le Conseil Supérieur d’Hygiène Publique recommande une limite supérieure de consommation de 200 mg/jour.

 Synéphrine -  Vasoconstricteur utilisé comme psychostimulant, cette substance est utilisée dans certains collyres bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché en France. La synéphrine, alcaloïde apparenté à l’éphédrine, issue du Citrus aurantium  a fait l’objet d’une mise en garde de l’Afssaps en 2005 car elle peut être à l’origine d’effets indésirables cardiovasculaires.

 Yohimbine - Substance qui possède des propriétés vasodilatatrices, elle est inscrite sur la liste I des substances vénéneuses.

Sulbutiamine  - Substance qui entre dans la composition de la spécialité pharmaceutique Arcalion® , indiquée dans les états de fatigue de l’adulte et accessible sans prescription.

 Olanzapine - Substance antipsychtique inscrite sur la liste I des substances vénéneuses. Elle entre dans la composition d‘un médicament antipsychotique autorisé en France, Zyprexa®  dont le titulaire de l’AMM est Eli Lilly Nederland BV.

 Rimonabant - Substance inscrite sur la liste I des substances vénéneuses. Le rimonabant est la substance active contenu dans le médicament Acomplia®  (laboratoires Sanofi Aventis) indiquée dans le traitement de l’obésité, dont l’AMM a été retirée le 16 janvier 2009 par l’Agence Européenne du Médicament.

 Oseltamivir - Antiviral contenu dans la spécialité Tamiflu®  (laboratoire Roche).

 Compléments alimentaires analysés

  Bien que présentés comme complément alimentaire, les trois des cinq produits analysés répondent à la définition du médicament car ils contiennent une ou plusieurs substances pharmacologiquement actives.

Li Da Dai Dai Hua  contient 30 mg de sibutramine, information qui n’est pas mentionnée sur l’étiquetage.

Métabodrène 356 contient  de la synéphrine et de la yohimbine. Ce produit contient aussi de la caféine (47 mg/comprimé pour 40 mg inscrit sur l’étiquetage) et du chrome dont la quantité journalière préconisée (57 microgrammes) est 2 fois supérieure à la dose maximale de nutriments pouvant entrer dans la composition des compléments alimentaires.

Vénom Hyperdrive 3.0+  contient de la sulbutiamine (122 mg/gélule) et de la caféine en quantité supérieure (332 mg par prise journalière de deux gélules) à la dose recommandée par le Conseil Supérieur d’Hygiène Publique (200 mg/jour).

Ronaxil contient de la caféine en quantité supérieure à la limite préconisée par le Conseil Supérieur d’Hygiène Publique (200 mg/jour). L’un des échantillons analysés contenait une dose quotidienne de 290 mg de caféine pour 2 gélules, l’autre contenait une dose quotidienne de 304 mg de caféine pour 2 gélules.

Zantrex-3 contient notamment de la caféine (191 mg/ gélule soit 382 mg de caféine par prise quotidienne).

Médicaments analysés

Zyprexa Velotab 5 mg - Les analyses tendent à caractériser l’échantillon comme un produit authentique des laboratoires Lilly. Ce médicament contient de l’Olanzapine.

Tamiflu 75 mg Hartkapseln (1 échantillon analysé) ou TAMIFLU 75 MG Laboratoire Roche UK (6 échantillons analysés) - Ce médicament contient de l’Oseltamivir.

Les produits suivants répondent à la définition du médicament car ils contiennent une ou plusieurs substances pharmacologiquement actives.

Réductil 10 mg Hartkapseln  contient de la sibutramine (10,1 mg).

Riomont (Rimonabant 20 mg)  contient du rimonabant (19.1 mg). Le profil chromatographique des impuretés de Riomont est similaire à celui d’un échantillon de référence du produit Acomplia®  transmis par les laboratoires Sanofi Aventis.

Oleanz’5 contient de l’olanzapine (5,1 mg).
Le produit commandé par l’huissier de justice est la spécialité pharmaceutique Zyprexa®  5 mg, mais le produit expédié par le fournisseur est l’équivalent d’un générique Oléanz’5 présenté sous forme de blisters sans étui de conditionnement et sans notice.

Antiflu 75 mg - Laboratoire CIPLA  contient de l’oseltamivir (74 mg).

TM-Flu 75 mg Le principe actif indiqué sur l’étiquetage (oseltamivir) n’est pas celui qui figure dans sa composition. Les analyses ont montré la présence la présence d'un antibiotique, la cloxacilline, dosée à 80 mg, antibiotique inscrit sur la liste I des substances vénéneuses.