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Quelles ont été les principales étapes de la ré-évaluation des pilules estroprogestatives ?

Depuis l’introduction des contraceptifs oraux combinés (COC) sur le marché en 1961, le risque de thrombose veineuse avec les COC est bien établi. Ce risque a fait l’objet de nombreuses publications dans la littérature et est suivi au niveau national, européen et mondial par les autorités de santé. La composition des COC a évolué depuis les années 1960 : le contenu en éthinylestradiol (EE) a été diminué afin de limiter les risques d’effets indésirables.

En parallèle, les progestatifs utilisés se sont diversifiés. Le sur-risque de thrombose veineuse lié aux COC contenant un progestatif dit de troisième génération  (désogestrel ou gestodène) par rapport aux COC contenant du lévonorgestrel (2ème génération) est connu depuis 1995 [1-4]. Depuis cette date, les pilules estroprogestatives de 3ème  génération et celles comprenant de la drospirénone (dites de 4ème génération) ont été régulièrement évaluées par l’Agence européenne du médicament (EMA), la FDA aux États-Unis ainsi que par d’autres agences (canadiennes, danoises notamment). Cependant, le rapport entre le bénéfice et le risque pour les femmes sous pilule estroprogestative est resté favorable.

En 2001, l’Agence Européenne du Médicament (EMA) a réévalué le risque de thrombose veineuse avec les COC de 3ème génération contenant du désogestrel ou du gestodène. Elle a conclu qu’il existait un sur-risque de thrombose veineuse par rapport aux COC de 2ème génération avec les COC de 3ème génération contenant 30 µg d’éthinylestradiol (EE) et du désogestrel ou du gestodène. Pour les COC de 3ème génération contenant 20 µg d’EE, les données épidémiologiques ne suggèrent pas que le sur-risque soit moindre par rapport aux COC de 3ème génération contenant 30 µg d’EE. Enfin, l’Agence européenne a également conclu que le rapport bénéfice/risque des COC de 3ème génération restait positif et que le sur-risque de thrombose veineuse devait être mentionné dans l’AMM des COC de 3ème génération. L’indication thérapeutique des COC 3G n’a pas été modifiée par le Comité des médicaments à usage humain (CHMP). En septembre 2001, la France a alerté les professionnels de santé sur le risque thromboembolique veineux des contraceptifs estroprogestatifs de 3ème  génération.

En 2009, la publication d’une étude menée au Danemark concernant le risque de thrombose veineuse avec les COC contenant de la drospirénone (4ème génération) déclenche une réflexion européenne (EMA) sur ce risque. Entre 2009 et 2011, plusieurs publications sont examinées. En mai 2011, le sur-risque de thrombose veineuse pour les COC contenant de la drospirénone, par rapport aux COC de deuxième génération est confirmé [5-6] . Ce sur-risque serait similaire à celui observé avec les COC de troisième génération (contenant du gestodène ou du désogestrel) et deux fois plus élevé que celui observé avec les COC de 2ème  génération (contenant du lévonorgestrel). La conclusion était que le rapport bénéfice/risque des COC contenant de la drospirénone restait toujours positif en soulignant que les thromboses veineuses étaient des événements rares [6-7] . A la suite de cette réévaluation, une actualisation du RCP des COC contenant de la drospirénone a été réalisée afin de mentionner ce sur-risque en rubrique 4.4 "mises en garde et précautions d’emploi". L’ANSM a communiqué en novembre 2011 et en octobre 2012 sur le risque de thrombose veineuse avec les COC [7] .

D’autres pays ont également réévalué le rapport bénéfice/risque des COC de troisième et quatrième génération au regard du risque de thrombose veineuse (États-Unis, Canada, Danemark seul en plus de l’évaluation  européenne). Tous les avis sont concordants : le rapport bénéfice/risque reste positif pour ces COC. Ces réévaluations ont toutes abouti à des mises à jour de l’information sur ce risque dans les RCP nationaux.

La FDA a finalisé en avril 2012 la réévaluation du risque de thrombose veineuse associé aux COC contenant de la drospirénone [8-10] .

En octobre 2012, la France, à l’instar de l’agence danoise a recommandé aux prescripteurs d’utiliser préférentiellement les COC de deuxième génération [11-12] .

En décembre 2011, l’agence canadienne a rappelé que même s'il existe un sur-risque, le risque absolu de thrombose veineuse reste très faible chez les femmes prenant un COC  contenant de la drospirénone. L’agence canadienne recommande aux professionnels de santé d’évaluer soigneusement le rapport bénéfice/risque individuel avant de prescrire ces COC [13] .

Une publication américaine récente a confirmé le sur-risque de thrombose veineuse avec les COC contenant de la drospirénone par rapport aux COC de première et deuxième génération [14]

En sus des mesures prises au niveau national, en particulier la communication envers les professionnels de santé et les femmes qui sont sous contraception orale, l’ANSM a introduit, le 22 janvier 2013, une procédure d’arbitrage auprès des institutions communautaires, en application de l’article 31 de la directive 2001/83/CE modifiée, concernant le rapport bénéfice/risque des contraceptifs oraux contenant les progestatifs les plus récents : désogestrel, diénogest, gestodène, norgestimate, drospirénone, chlormadinone et nomégestrol).

En juillet 2013, l’ensemble des données disponibles (données d’exposition, données de pharmacovigilance, études pharmaco-épidémiologiques publiées ou non) a fait l’objet d’une analyse par la France et le Royaume- Uni qui étaient en charge de l’évaluation du dossier. Les résultats de celle-ci ont été présentés durant le PRAC (Comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance) du mois de juillet 2013 et ont à nouveau été examinés en octobre 2013. L’ensemble des membres du comité partagent les conclusions scientifiques suivantes :

  • Le rapport bénéfice/risque de chaque COC est favorable ;
  • L’efficacité de tous les COC est identique du point de vue de la contraception. Les données scientifiques disponibles n’apportent pas la preuve d’une différence en termes de tolérance entre les différents COC ;
  • Le risque thromboembolique, bien que faible, est supérieur chez les femmes utilisatrices de COC par rapport à celles qui n’en prennent pas ;Les COC contenant du norgestimate ont un risque équivalent à celui des contraceptifs contenant du lévonorgestrel (risque de base);
  • Les COC contenant du gestodène, du désogestrel ou de la drospirénone présentent un sur-risque de thrombose veineuse par rapport à celui des contraceptifs contenant du lévonorgestrel ;
  • Il n’existe pas suffisamment d’études pour documenter le risque des COC contenant du diénogest, de la chlormadinone ou du nomégestrol ;
  • Les différences de risque thromboemboliques veineux lié au progestatif sont insuffisamment connues des professionnels de santé et des femmes et les facteurs de risque insuffisamment pris en compte ;
  • Le sur-risque généré par les COC contenant du gestodène, du désogestrel ou de la drospirénone en termes d’événements thromboemboliques veineux et de décès au niveau européen a été reconnu. Afin de mieux prendre en compte les différences de risque entre COC, le PRAC a proposé des modifications de l’autorisation de mise sur le marché afin de modifier l’indication, les contre-indications et précautions d’emploi des COC concernés par la réévaluation. La position française au PRAC de réserver la prescription des pilules  de 3ème  génération en seconde intention n’a pas été suivie par une majorité des pays européens.

Les recommandations du PRAC ont été confirmées par le CHMP (Committee for Medicinal Products for Human Use) du mois de novembre 2013. Cette position a été soumise à la Commission Européenne.

Qu'en est-il des pilules comportant un progestatif seul comme Cérazette (désogestrel) ou Microval (lévonorgestrel)?

Les données montrant un sur-risque thromboembolique veineux ou artériel ne concernent que les contraceptifs oraux qui contiennent à la fois un estrogène et un progestatif (appelés contraceptifs oraux combinés (COC) ou pilules estroprogestatives ou encore pilules combinées).
Les pilules comportant un progestatif seul telles que Cérazette (désogestrel) ou Microval (lévonorgestrel) ne font pas partie des pilules entraînant ce sur-risque.

   

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Annexe 3  : [1-14] Bibliographie  se rapportant aux principales étapes de la ré-évaluation des pilules estroprogestatives

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