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Interactions médicamenteuses et cytochromes

Les cytochromes P450 (CYP) sont des enzymes ubiquitaires intervenant dans le métabolisme de substrats endogènes ou exogènes, notamment médicamenteux. Ils se répartissent en familles (CYP 1-2-3) et sous-familles (CYP 1A - 2C - 2D - 3A).
Parmi ces sous-familles, les principaux CYP impliqués dans le métabolisme des médicaments sont les suivants :

  • CYP1A2
  • CYP2C8
  • CYP2C9
  • CYP2C19
  • CYP2D6
  • CYP3A4

Le métabolisme des médicaments, essentiellement hépatique, fait intervenir :

  • Le plus souvent plusieurs CYP
  • Plus rarement un seul CYP ou un CYP préférentiel : c'est dans ces circonstances que le risque d'interaction est le plus élevé.

Chez l'homme, le CYP3A4 est quantitativement le plus important : il représente 30% et 50% du contenu hépatique en CYP450, et il est également présent au niveau intestinal (entérocytes). Environ la moitié des médicaments métabolisés le sont notamment par l'intermédiaire du CYP3A4. Lorsqu'un médicament est neutralisé par une (ou plusieurs enzymes), on le qualifie de substrat de cette enzyme.

Une liste non exhaustive de médicaments (principes actifs) métabolisés préférentiellement par un CYP, et donnant lieu à des interactions cliniquement significatives, est présentée dans le tableau ci-dessous.

Modifications d'activité des enzymes du CYP450

Ces modifications peuvent être induites par des substances exogènes, souvent des médicaments.

Augmentation de l'activité enzymatique

Elle est le fait de substances inductrices, majorant la synthèse et l'activité des CYP (cf. tableau ) :

  • certains médicaments, surtout des anti-infectieux et des anti-convulsivants,
  • le millepertuis, à la fois plante et médicament,
  • le tabac,
  • l'alcool (en prise chronique).

L'augmentation de la quantité d'enzymes augmente le métabolisme, et donc l'élimination des médicaments, ce qui réduit leur temps de présence dans l'organisme.
L'induction n'est pas spécifique d'une seule enzyme mais concerne principalement les CYP 2C et 3A.
L'induction est progressive et atteint son maximum en 10 à 15 jours.
De la même façon, cet effet disparaît progressivement à l'arrêt de l'inducteur.

Diminution de l'activité enzymatique

Elle est le fait de substances inhibitrices, principalement médicamenteuses :

  • antifongiques azolés, certains macrolides, inhibiteurs de protéases, antagonistes des canaux calciques bradycardisants (cf. tableau)
  • pamplemousse (jus ou fruit).

L'inhibition, à l'inverse de l'induction, s'exerce le plus souvent au niveau d'un seul CYP et répond schématiquement à deux mécanismes :

  • une inactivation irréversible du CYP par l'inhibiteur,
  • une compétition au niveau d'un même CYP entre deux substances
    • administrés simultanément,
    • fixées et métabolisées par le même CYP.

Ce deuxième mécanisme, plus fréquent, résulte d'une affinité de la substance inhibitrice, pour l'enzyme considérée, qui est supérieure à celle de la substance inhibée.
En fonction de leur degré d'affinité pour une enzyme, certains médicaments vont inhiber le métabolisme des médicaments moins affines, et de la même façon, voir leur métabolisme inhibé par des médicaments plus affines qu'eux sur cette enzyme.

Conséquences pratiques

Carre 2012

 Dans l'AMM, les principales voies métaboliques et les enzymes impliquées dans le métabolisme du médicament doivent être identifiées (information précisée dans la rubrique "Propriétés pharmacocinétiques"). Ceci définit de quelle(s) enzymes le médicament est un substrat.

 
Carre 2012

 Mais l'AMM doit également préciser le potentiel inhibiteur et/ou inducteur d'un médicament, c'est-à-dire son potentiel à entraver ou accélérer sa capacité de métabolisation.

 
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L'inhibition et l'induction enzymatiques sont deux propriétés distinctes, qui peuvent exister pour une même substance.

 
Carre 2012

 En cas d'association médicamenteuse, il convient de vérifier la présence d'inducteurs ou d'inhibiteurs (cf tableau) :

  • Leur association à des médicaments à risque doit être prise en compte, et se révèle d'autant plus délicate que la marge thérapeutique du médicament associé est étroite voire impose un suivi des concentrations (TDM - Therapeutic Drug Monitoring ).
  • Les inducteurs, en accélérant le métabolisme de certains médicaments, peuvent, par diminution de leurs concentrations plasmatiques, entraîner des diminutions notables d'efficacité aux conséquences graves (par exemple, rejet de greffe avec des immunosuppresseurs, échec d'une contraception orale, déséquilibre d'un traitement anticoagulant, échec du traitement antirétroviral, etc...).
  • Les inhibiteurs, en ralentissant le métabolisme de certains médicaments peuvent, par augmentation de leurs concentrations plasmatiques, majorer le risque d'effets indésirables avec des conséquences parfois graves (par exemple, torsade de pointes en présence de pimozide, ergotisme en présence d'ergotamine ou rhabdomyolyse en présence de certaines statines).
 
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 Dans certains cas, pour contrebalancer l'effet de l'interaction, il est recommandé de modifier la posologie du médicament associé à un inducteur ou à un inhibiteur :

  • augmentation avec un inducteur
  • diminution avec un inhibiteur

Les recommandations d'adaptation posologique font en général l'objet d'une précaution d'emploi, plus rarement d'une association déconseillée.

 
Carre 2012

 L'adaptation posologique préconisée peut parfois être guidée :

  • par la mesure des concentrations plasmatiques du médicament associé, en cas de médicaments à marge thérapeutique étroite : immunosuppresseurs, anticonvulsivants, digoxine, clozapine, lithium...
  • par le suivi d'autres paramètres : INR et antivitamines K, ECG et antiarythmiques, statines et CPK

Dans tous les cas, ces contrôles ne dispensent pas d'un suivi clinique.

 

L'arrêt d'un inducteur ou d'un inhibiteur doit s'accompagner :

  • d'un retour à la posologie initiale du médicament associé
  • d'un suivi d'autant plus rigoureux que le médicament associé a une marge thérapeutique étroite, c'est-à-dire un maniement délicat, avec suivi biologique.
 

Principaux cytochromes (CYP), principes actifs à marge thérapeutique étroite et métabolisés par ces CYP, inhibiteurs et inducteurs.

CYP Principes actifs (substrats) Inhibiteurs Inducteurs
1A2
  • clozapine*
  • ropirinole
  • méthadone*
  • théophylline*
  • caféine
  • fluvoxamine
  • énoxacine, ciprofloxacine

Induction du CYP1A2 :

  • tabac

   

 

 

   

  

  

  

  

  

  

  

  

  

Induction des CYP 2C/3A
(CYP2D6 non inductible) :

  • millepertuis
  • anticonvulsivants (carbamazépine, phénobarbital, phénytoïne, oxcarbazépine...)
  • anti-infectieux (rifampicine, rifabutine, éfavirenz, névirapine, griséofulvine )
2C8
  • paclitaxel
  • répaglinide
  • gemfibrozil
  • clopidogrel
  • triméthoprime
2C9
  • antivitamines K* (warfarine, acénocoumarol, fluindione)
  • miconazole
2C19
  • phénytoïne*
  • diazépam
  • voriconazole
  • ticlopidine
2D6
  • tamoxifène
  • métoprolol dans l'insuffisance cardiaque
  • flécaïnide, propafénone
  • fluoxétine, paroxétine
  • divers (bupropion quinidine, terbinafine, cinacalcet)
3A4
  • rivaroxaban, apixaban
  • inhibiteurs de la tyrosine kynase
  • pimozide
  • immunosuppresseurs* (ciclosporine, tacrolimus, sirolimus, everolimus, temsirolimus)
  • IPDE5 (sildénafil, tadalafil, vardénafil)
  • ergotamine, dihydroergotamine
  • amiodarone, disopyramide
  • midazolam, alprazolam, zolpidem, zopiclone
  • simvastatine, atorvastatine
  • vinca-alcaloïdes cytotoxiques, ifosfamide
  • inhibiteurs de protéases boostés par ritonavir
  • cobicistat
  • antifongiques azolés (kétoconazole, itraconazole, fluconazole, posaconazole)
  • macrolides (érythromycine, clarithromycine, télithromycine, josamycine)
  • amiodarone
  • diltiazem, vérapamil
  • pamplemousse (jus ou fruit)

* Ces médicaments font l'objet d'un suivi biologique (concentrations plasmatiques, INR pour les AVK).
Pour les substrats en italique, les modifications pharmacocinétiques n'ont pas donné lieu à une traduction clinique avérée.

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